Face à la polémique, Roman Polanski renonce à présider les Césars

DR

Le réalisateur franco-polonais Roman Polanski renonce à présider la cérémonie des Césars, les "Oscars français", en raison de la polémique, qu'il juge "injustifiée" déclenchée par des associations féministes contre sa nomination, selon un communiqué publié ce mardi 24 janvier.

Le 24/01/2017 à 10h09

Ces associations, qui ont lancé une pétition pour sa destitution, dénoncent le choix du réalisateur qui avait été poursuivi en 1977 en Californie pour le viol d'une adolescente de 13 ans. Cette polémique a "profondément attristé Roman Polanski et atteint sa famille" et le réalisateur "a décidé de ne pas donner suite à l'invitation" des organisateurs, d'après le communiqué de son avocat.

Pour rappel, la ministre française des Droits des femmes, Laurence Rossignol, avait jugé vendredi 20 janvier, "surprenant et choquant" le choix, annoncé mercredi, du réalisateur franco-polonais comme président de la cérémonie des Césars, plus hautes récompenses du cinéma français, qui se tiendra le 24 février.

"C'est un choix qui témoigne, de la part de ceux qui ont décidé de le nommer président des Césars, d'une indifférence à l'égard des faits qui lui sont reprochés", a-t-elle estimé.

La ministre de la Culture Audrey Azoulay s'est en revanche abstenue de critiquer la décision de l'académie des Césars: "son choix lui appartient", a-t-elle estimé.

"Les faits en cause sont particulièrement graves. Mais ils sont aussi très anciens", a-t-elle dit. "Cette affaire poursuivra Roman Polanski toute sa vie. Il demeure néanmoins un cinéaste de très grand talent".

Jeudi, une association féministe, Osez le Féminisme, avait exprimé sa "colère" et appelé à un rassemblement de protestation le jour de la cérémonie devant la salle Pleyel à Paris, où seront remis les Césars.

"Alors qu'est menée une réflexion sur les délais de prescription pénale pour les victimes de violences sexuelles (...), la désignation de Roman Polanski est un pied de nez indigne fait aux nombreuses victimes de viols et d'agressions sexuelles", a critiqué l'association.

Dès l'annonce de la présidence de Roman Polanski, un appel au boycott a été lancé sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #boycottcesar.

Une pétition sur change.org pour la "destitution de Roman Polanski comme président des Césars" a aussi été initiée. Elle avait recueilli plus de 45.000 soutiens vendredi.

L'ex-ministre de la Culture Aurélie Filippetti a en revanche estimé jeudi que ce choix était "la liberté absolue de l'Académie des Césars", et a souhaité "qu'on laisse (Roman Polanski) présider cette cérémonie", saluant un "très grand réalisateur". "C'est quelque chose qui s'est passé il y a 40 ans", a-t-elle souligné.

Interrogée par l'AFP, l'Académie des arts et techniques du cinéma, organisatrice des Césars, n'a pas souhaité réagir.

Le titre de président de la cérémonie des Césars est essentiellement honorifique, les récompenses étant attribuées par plus de 4.000 professionnels.

Né en France de parents polonais, Roman Polanski, à l'époque âgé de 43 ans, avait été poursuivi en 1977 en Californie pour le viol d'une adolescente de 13 ans.

Libéré sous caution après 42 jours de prison, le cinéaste qui avait plaidé coupable de "rapports sexuels illégaux" avec une mineure mais nié le viol, s'était enfui des États-Unis avant le verdict, craignant d'être lourdement condamné.

Considéré depuis comme un "fugitif" par les Etats-Unis, il court toujours le risque d'y être extradé, malgré les interventions en sa faveur de la victime, qui a réclamé à plusieurs reprises l'abandon définitif des poursuites et dit lui avoir pardonné.

En décembre, la Cour suprême polonaise a mis fin à une procédure d'extradition entamée en 2014 à la demande de la justice américaine.

Depuis 40 ans, cette affaire refait régulièrement surface. Elle avait encore été évoquée implicitement lors de la cérémonie d'ouverture du dernier Festival de Cannes, suscitant la colère de son épouse, l'actrice française Emmanuelle Seigner.

Aujourd'hui âgé de 83 ans, Roman Polanski vit en France. Avec 21 longs-métrages à son actif, le cinéaste a été huit fois récompensé aux Césars, dont deux fois pour le meilleur film, avec Tess (1980) et Le Pianiste (2003), et quatre fois comme meilleur réalisateur. Il prépare actuellement son 22e film, consacré à l'affaire Dreyfus.

Il n'est jamais retourné aux Etats-Unis, pas même pour recevoir l'Oscar du meilleur réalisateur en 2003 pour Le Pianiste.

Le 24/01/2017 à 10h09