Côte d’Ivoire: Gbagbo sera confronté à «ses» généraux

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En procès à la Haye, l’ex-président ivoirien va retrouver à la barre deux piliers du système sécuritaire de son régime, appelés à comparaître en qualité de témoins par l’accusation. Alors qu’il était prévu qu’ils témoignent anonymement, leurs identités ont été révélées par inadvertance.

Le 08/02/2016 à 19h34

L’affaire fait grand bruit dans la capitale ivoirienne. Non seulement parce que les noms de ces personnes qui doivent comparaître en qualité de témoins «anonymes» de l’accusation au procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été malencontreusement dévoilés ce vendredi 5 février par un juge de la CPI, mais aussi et surtout en raison du statut des personnes concernées.

Les généraux Philippe Mangou, ex-chef d’Etat-major, et Edouard Kassaraté, ex-commandant du Palais présidentiel et ex-commandant supérieur de la gendarmerie nationale, (tous deux sous le régime de Laurent Gbagbo) seront appelés à comparaître à la barre durant le procès.

Si les deux hommes ont été des piliers du système sécuritaire et des hommes de confiance de Gbagbo, dans le contexte de rébellion armée qui a secoué le pays entre 2002 et 2010, ils ont en commun d’avoir de s’être désolidarisés de celui-ci, durant la crise armée qui a suivi l’élection présidentielle de 2010, avant de faire allégeance à Alassane Ouattara reconnu vainqueur de l’élection.

Le général Kassaraté avait alors, au cours de cette crise, appelé la gendarmerie, corps d’élite de l’armée ivoirienne, à s’abstenir de prendre parts au conflit dès les premières heures des affrontements armés. «La gendarmerie ne fait pas de la politique. La crise post-électorale était une crise politique. J’ai donc dit à mes hommes de ne pas bouger», avait-il confié le 29 décembre 2014 au quotidien ivoirien Fraternité Matin.

Quant à Philippe Mangou, il avait conservé son soutien à l’ex-chef d’Etat jusqu’en mars 2011, soit un mois avant l’arrestation de ce dernier, le 11 avril 2011. Dans une note qu’il a fait publier sur le site abidjan.net ce dimanche (en droit de réponse), l’intéressé avance avoir «envisagé de témoigner sans camouflage» car, a-t-il dit, «quand on a la vérité à dire, on ne se cache pas».

Accusé d’être un traître (tout comme le général Kassaraté et d’autres personnalités proches de l’ancien président qui devraient également témoigner), il a indiqué dans le texte : «Si encourager Gbagbo, le 11 mars 2011, à démissionner au moment où lui-même demandait mon avis sur la question, pendant que l’armée était à court d’armes et de munitions (…), que les Ivoiriens mouraient et qu’ils ne pouvaient ni manger, ni se soigner, c’est trahir, alors j’ai trahi», avant d’ajouter : «Que les uns et les autres soient patients, qu’ils ne me jugent pas avant de m’avoir entendu».

Rappelons que ces deux officiers sont aujourd’hui respectivement ambassadeurs au Gabon, pour le dernier, et au Sénégal, pour le premier.

Par Georges Moihet
Le 08/02/2016 à 19h34