Ce qui différencie les manifestations au Maroc et en Algérie

En république algérienne "démocratique et populaire", les citoyens sont interdits de manifester!

En république algérienne démocratique et populaire, les citoyens sont interdits de manifester! . dr

Si la liberté de manifester est une réalité au Maroc, ce n’est pas le cas en Algérie, et particulièrement à Alger, où les manifestations sont interdites, voire réprimées. L’intervention musclée contre la marche des retraités de l’armée algérienne, dimanche, en est la preuve affligeante.

Le 22/05/2017 à 18h24

Il est curieux de constater que les médias officiels algériens «s’intéressent» en souffleurs sur les braises au «Hirak dans le Rif marocain» se déroulant pourtant pacifiquement et sans incident aucun et passent sous silence la colère généralisée dont sourdent les rues de l’Algérie en général, et celles d’Alger en particulier. L’occasion de ce propos est la répression avec laquelle a été affrontée, dimanche 21 mai, la marche de milliers de retraités de l’Armée nationale populaire (ANP), dont des veuves et des orphelins de la tristement célèbre décennie de guerre civile (années 90). Les forces de sécurité algériennes ont en effet violemment réprimé les participants à cette marche, faisant plusieurs blessés parmi les protestataires, sans compter les dizaines d’arrestations parmi nombre d’entre eux, après avoir été interdits d’accès à Alger via Boumerdès.

Les manifestations sont interdites à Alger, -agglomération la plus peuplée en Algérie-, depuis la Marche pacifique des Archs, comités de daïras et de communes, organisée jeudi 14 juin 2001, avant de dégénérer en affrontements sur instigation des autorités d’Alger qui ont tenté grossièrement de monter une partie de la population algéroise contre une autre. Depuis, aucune manifestation n’est autorisée à Alger, restée sous état de siège permanent et sous le coup de mesures «exceptionnelles» draconiennes. 

Un état d’exception qui renvoie cruellement à ce qui se passe à Caracas, capitale du Venezuela, quadrillée par l’armée du dictateur Nicolas Maduro. Un état sur lequel a d’ailleurs été interpellé le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, pas plus tard que le 8 mai courant à Genève, quand ce dernier s’est vu questionner par ses pairs du conseil des droits de l’homme relevant de l’ONU, sur les raisons de l’interdiction de manifester à Alger. «Les mesures qui s’appliquent, à titre exceptionnel, à la manifestation sur la voie publique à Alger sont liées à des considérations propres à la capitale», a lamentablement tenté d’expliquer le MAE algérien, sous le regard médusé de ses pairs du Conseil des droits de l’Homme, à Genève. «L’Etat ne peut, en sa qualité de responsable de la sécurité et de l’ordre publics, se risquer à [...] autoriser [les manifestations] lorsqu’il s'avère que leurs organisateurs ne remplissent pas les conditions qui concourent à leur déroulement pacifique, sans porter préjudice aux biens des personnes ou être la cible de visées terroristes», a-t-il «argué».

Un «argument» sans fondement aucun, d’autant plus que les «dépassements» reprochés sont l’œuvre de services algériens habitués à recourir à des méthodes répressives héritées des tristement célèbres années de plomb. Ce qui s’est passé à Ghardaïa, théâtre de violents affrontements en 2015 entre la minorité mozabite et la majorité arabe malékite soutenue par les autorités, édifie sur ce jeu de massacre auquel ces dernières continuent de se livrer. Idem pour la Kabylie, où toute velléité d’opposition est étouffée et où le peuple kabyle continue d’être opprimé.

Une réalité que ne voient pourtant pas de cet œil lucide des médias officiels algériens qui ruent dans les brancards au moindre soubresaut social au Maroc. Il est en effet étrange de constater que les manifestations dans le Rif marocain braquent les regards de nos confrères, alors que ces protestations, à Al Hoceïma ou à Rabat, comme n’importe où ailleurs, ne sont pas interdites, encore moins réprimées comme c’est le cas en Algérie. Cette liberté de se rassembler et de manifester pacifiquement, en vigueur au Maroc et interdite en Algérie, devrait d’ailleurs servir d’argument à la presse algérienne pour demander la levée d’un état d’urgence (qui ne dit pas son nom) qui perdure depuis 16 ans dans la capitale et plus grande agglomération d’Algérie. Un état d’exception qui dure 16 ans devient la règle. Le régime algérien a peur de sa population. Ce régime mesure la fragilité d’un système fondé sur la rente et la répression. C’est là l’une des principales différences entre un régime autarcique et le régime marocain qui respecte la Constitution et n’interdit pas les manifestations pacifiques, quand bien même elles rassembleraient des milliers de personnes. Cette particularité du voisin de l’est, qui a peur du peuple, est un autre marqueur du régime répressif d’Alger, l’une des pires dictatures du continent.

Par Ziad Alami
Le 22/05/2017 à 18h24