Burundi: Quatre manifestants tués, Washington hausse le ton

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La police burundaise a tiré à balles réelles lundi 4 mai contre les manifestants opposés à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza, faisant quatre morts, alors que Washington a dénoncé la candidature du chef de l'Etat à la présidentielle de juin.

Le 05/05/2015 à 07h15

Depuis Nairobi au Kenya où il effectue une visite officielle, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a jugé que la candidature de Pierre Nkurunziza allait "à l'encontre de la Constitution" burundaise, et espéré que le président sortant pourrait encore renoncer d'ici là au scrutin. Lundi, la Croix-Rouge burundaise a comptabilisé trois morts et quarante-six blessés. Mais "un quatrième manifestant a succombé à ses blessures", a déclaré le défenseur des Droits de l'Homme Pierre Claver Mbonimpa. Depuis le début des manifestations le 26 avril, treize personnes ont été tuées: dix protestataires, deux policiers et un soldat.

Après deux jours de trêve, les manifestants sont de nouveau descendus lundi par groupes de plusieurs centaines de personnes dans les rues de quartiers périphériques de Bujumbura, où la police tente de les cantonner pour les empêcher de faire une démonstration de force au centre-ville. Plusieurs dizaines de manifestants, rapidement dispersés par la police, ont malgré tout réussi pour la première fois à gagner la place de l'Indépendance en plein centre. Des journalistes de l'AFP ont vu la police lancer des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes, mais aussi tirer à balles réelles contre les manifestants dans au moins deux quartiers de la capitale. Ils ont vu plusieurs manifestants blessés par balles, et également des policiers touchés par des jets de pierre.

Pour les manifestants, un troisième mandat de Pierre Nkurunziza, élu deux fois en 2005 et 2010, et désigné candidat de son parti, le Cndd-FDD, à la présidentielle du 26 juin, serait inconstitutionnel et contraire à l'accord d'Arusha qui avait ouvert la voie à la fin de la guerre civile (1993-2006). L'accord limite à deux les mandats présidentiels. Le camp Nkurunziza juge la démarche parfaitement légale et a demandé de trancher à la Cour constitutionnelle qui devrait se prononcer dans les prochains jours. Les divisions sur le troisième mandat se retrouvent jusqu'au sein des forces de l'ordre, surtout l'armée qui, depuis le début des manifestations interdites par le gouvernement, a joué la neutralité sur le terrain. L'armée, dont l'attitude reste la grande inconnue si la situation devait dégénérer, a été comme la police reconstituée au sortir de la guerre civile.

Aux termes de l'accord d'Arusha, chacun des deux corps est censé respecter une parité ethnique dans ses rangs, dans un pays très majoritairement peuplé de Hutus. L'armée, qui passe pour mieux respecter cette contrainte, est considérée comme plus neutre et mieux respectée par la population qu'une police jugée aux ordres du pouvoir. Mais elle n'en est pas moins tiraillée du fait de sa composition ethnique - elle est faite de chefs d'ex-rébellions hutus comme le Cndd-FDD et d'anciens officiers de l'armée tutsi opposés pendant la guerre civile - mais aussi de clivages politiques. Depuis des mois, la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat présidentiel fait craindre à la communauté internationale un retour de la violence à grande échelle dans le petit pays d'Afrique des Grands Lacs, à l'histoire post-coloniale marquée par les conflits et massacres intercommunautaires.

Le 05/05/2015 à 07h15