Autopromotion: Saïd Chengriha devient le plus haut gradé de l’armée algérienne

C'est un Saïd Chengriha, tout hagard, qui a été promu ce 4 juillet 2022 général d'armée par le président algérien.

C'est un Saïd Chengriha, tout hagard, qui a été promu ce 4 juillet 2022 général d'armée par le président algérien. . DR

Simple général-major jusqu’en juillet 2020, l’actuel patron de l’armée algérienne a vite gravi les échelons pour devenir, ce 4 juillet 2022, le plus haut gradé de l’armée algérienne. Auto-promu de manière théâtrale, le désormais général d’armée Saïd Chengriha a-t-il fini par asseoir un pouvoir politico-militaire sans partage?

Le 04/07/2022 à 16h56

Ce lundi 4 juillet, à moins d’une journée de la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance du pays, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a promu le patron de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, au grade de général d’armée. Il devient ainsi le plus haut gradé de l’armée algérienne, suite à la mise à la retraite concomitante du plus vieux militaire au monde encore en activité, le général d’armée Benali Benali.

Avec le départ de ce dernier, l’armée algérienne ne compte plus un seul élément qui peut se targuer d’avoir appartenu à l’ex-Armée de libération nationale ou d'avoir combattu dans ses rangs, ex-Armée qui a soi-disant combattu l’armée française (1954-1962). Alors qu’en réalité, l’armée dite des frontières, conduite par Houari Boumediene et qui comptait dans ses rangs la majorité des caciques de l’appareil militaire de l’Algérie indépendante, n’a pas combattu avec les armes, contrairement à l’armée de l’intérieur, composée essentiellement de Kabyles.

Il y a tout juste deux ans, jour pour jour, à la veille du 58e anniversaire de l’indépendance, le président algérien a promu le même Chengriha, jusqu’ici chef d’état-major par intérim, du grade de général-major à celui de général de corps d’armée. Ce 4 juillet, soit 24 mois plus tard, c’est toute une mise en scène que le trop complexé Chengriha a orchestrée pour donner un cachet grandiose à son autopromotion au plus haut grade de l’armée algérienne.

C’est au Palais du peuple, un édifice surplombant Alger, où résidèrent successivement les gouverneurs coloniaux ottomans, puis français, que la cérémonie de ce lundi a été organisée.

Tous les hauts responsables algériens y ont été conviés, «notamment le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, le président de l'Assemblée populaire nationale, Brahim Boughali, le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, le président de la Cour constitutionnelle, Omar Belhadj…, des membres du gouvernement, des officiers supérieurs de l'ANP, ainsi que des personnalités nationales et des moudjahidine», rapporte l’Agence de Propagande et des Sornettes (APS).

Malgré toute cette théâtralité et les youyous qui ont curieusement salué son autopromotion, c’est finalement un Saïd Chengriha penaud, titubant, hagard, transpirant, la tête pesant lourd et inclinée constamment, qui a étrenné ses nouvelles épaulettes.

S’est-il remémoré tout son passé peu glorieux à cet instant-là? En tout cas, et alors qu’elle aurait dû normalement expliquer quels sont les «mérites» qui justifient cette promotion de Chengriha, la presse algérienne, à part El Moudjahid qui est revenu sur ses discours creux, a plutôt fait profil bas. De crainte certainement d’ouvrir une boîte de Pandore, où l’on retrouve pêle-mêle des crimes de guerre avérés durant la décennie noire des années 90, des trafics lucratifs d’armes et de drogues…

Avec toutes les casseroles qu’il traîne comme un boulet, et faute de pouvoir redorer son blason aux yeux des Algériens, Chengriha cherche depuis deux ans et demi à s’imposer en éliminant à tour de bras tous ses adversaires au sein de l’armée, n’hésitant pas à envoyer des dizaines de généraux et officiers supérieurs en prison. Sans parler des activistes politiques les plus en vue du mouvement populaire du Hirak, actuellement en détention, sans le moindre jugement.

En finissant aujourd’hui par mettre à la retraite Benali Benali, ce fils de Tlemcen et seul général de l’armée qui lui a «résisté» jusqu’au bout, Chengriha peut désormais placer l’un de ses hommes à la tête de la stratégique garde républicaine, et assurer ainsi sa mainmise totale sur les rouages de la présidence de la République.

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Sa mégalomanie semble sans limites: le 28 juin dernier, Saïd Chengriha a en effet surpris son monde en s’affichant assis avec grandiloquence sur un immense fauteuil, s’apparentant à un trône, à l’Ecole supérieure de guerre d’Alger, reléguant loin derrière lui, sur de petites chaises, d’autres officiers supérieurs de l’armée. Où s’arrêtera l’appétit du complexé Saïd Chengriha? Au sein de l’armée, il a atteint le grade le plus élevé. S’en contentera-t-il ou cherchera-t-il, comme de nombreux indices le laissent augurer, à perpétrer un acte anticonstitutionnel qui lui permettra de régner, sans partage, sur l’Algérie?

Par Mohammed Ould Boah
Le 04/07/2022 à 16h56