Algérie. Qui peut sauver Me Yahia Abdennour?

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Yahia Abdennour, avocat et figure historique du militantisme algérien, a été interdit d’acquérir un logement qu’il occupe depuis 1962. Il risque d’être expulsé alors que les autres locataires de l’immeuble sont devenus propriétaires. «Vengeance de l’Etat», dénoncent les militants des droits humains.

Le 15/05/2018 à 11h08

L’avocat Ali Yahia Abdennour est âgé de 98 ans et il a passé plus de 70 ans à lutter pour l’indépendance, la démocratie et les droits de l’Homme en Algérie. Il est fondateur du syndicat UGTA en 1956 dont il devient le secrétaire général en 1961. Auparavant, il était militant du Parti du peuple algérien (PPA) créé en 1937.

Véritable figure historique, il risque aujourd’hui d’être expulsé de la maison qu’il occupe depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. Et pour cause, l’administration lui refuse la possibilité d’acquérir cet appartement. Pourtant, tous les locataires qui habitent cet immeuble ont eu droit d’accès à la propriété. Malade et très amoindri, Ali Yahia Abdennour cherche depuis des années à acquérir cet appartement.

Le sort qui lui est réservé fait scandale en Algérie. Des hommes politiques, des représentants d'ONG des droits de l’Homme et d'autres personnalités de la société civile ont signé une pétition-réquisitoire contre le pouvoir le taxant de comportement inhumain, de «hogra» et de violation des droits de l’Homme: «L'arbitraire subi par Ali Yahia Abdennour est fondamentalement politique. Nous voulons l'arrêter et forcer le régime à ordonner à ses sbires de réhabiliter le citoyen Ali Yahia Abdennour dans son droit à un logement à son nom, là où eux-mêmes ont pris des biens immobiliers coloniaux pour un dinar symbolique».

En parlant de «vengeance politique du pouvoir», la pétition fait référence à l’origine kabyle d’Abdennour et surtout à la sympathie qu’il a affichée publiquement envers les indépendantistes kabyles. Ce qui ne constitue pas la première contradiction du régime militaire algérien qui abrite, arme et finance des séparatistes à Tindouf au nom du "droit à l’autodétermination".

Pis encore, ce pays qui s’en prend à un résistant de 98 ans veut donner des leçons des droits de l’Homme aux Marocains sur ses provinces du Sud. Le rapport de la Ligue algérienne des droits de l’Homme de 2017 prévoyait une recrudescence des violations des droits de l’Homme en Algérie: «De sérieuses inquiétudes existent quant aux intentions du pouvoir contre les militants des droits humains et contre la démocratie naissante. Une action de contestation se paie trop souvent au prix de sa liberté, les procès qui se sont ouverts devant les juridictions sont particulièrement représentatifs de l’instrumentalisation de la justice par les autorités algériennes». 

La Ligue algérienne des droits de l’Homme ne peut pas être plus vigilante que ça. Cela fait 70 ans que l’avocat Ali Yahia Abdennour lutte pour le respect de la dignité humaine, et à l'âge de 98 ans le pouvoir algérien veut l’expulser de sa maison.

Par Hassan Benadad
Le 15/05/2018 à 11h08