Algérie: pourquoi la famille de l’ex-patron du renseignement hausse le ton contre le général Ahmed Gaïd Salah

L'ex-patron du renseignement, le Général Toufik, face au chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah. 

L'ex-patron du renseignement, le Général Toufik, face au chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah.  . DR

La famille de l’ex-patron du DRS, déboulonné en 2015 et incarcéré depuis le 5 mai 2019 à Blida pour «complot contre l’État», se fend d'une lettre où elle affirme "prendre à témoin l’opinion publique algérienne sur la responsabilité" du général Gaid Salah dans ce qui pourrait lui advenir. Décryptage.

Le 16/09/2019 à 11h50

Dans une lettre fleuve adressée à l’opinion publique, la famille de l’ex-patron du Département du renseignement et de la sécurité, le général de corps d’armée Toufik, limogé en 2015 par le président déchu Abdelaziz Bouteflika, s’en prend sans le nommer à l’actuel homme fort de l’Algérie, le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah.

Et pour cause, ce dernier, à l’origine de l’incarcération, le 5 mai dernier, dans un pénitencier militaire de Blida, de l’ancien numéro 1 du renseignement militaire algérien, ferait interdire à ce dernier, gravement malade, tout accès à des soins dans un hôpital spécialisé digne de ce nom.

L’état de santé de Toufik, relate sa famille, "s'est aggravé depuis son incarcération le 5 mai 2019 suite à une chute survenue au dixième jour de sa détention au centre pénitentiaire de Blida, occasionnant une fracture complexe de l’omoplate droite". Or voilà: le détenu «subit alors une intervention chirurgicale dans une structure légère relevant de la 1ère Région militaire, loin d’être équipée pour ce type d’accident, alors que son état, compte tenu de son âge et de sa situation, nécessite une prise en charge spécialisée à l’hôpital militaire de Aïn Nadja, qui aurait été plus approprié pour la qualité des soins», observe la famille de l'ex-tout puissant patron du DRS, surnommé "Reb dzaïr".

Remarquez que dans sa lettre, la famille de Toufik tacle de manière à peine voilée le Général Ahmed Gaïd Salah, relevant que «cette sévère dégradation de l’état de notre père et époux était ostensiblement perceptible lors des interrogatoires, où il paraissait fort amaigri et montrait des signes évidents de faiblesse». 

«Au regard de cette grave détérioration dont il est évident que les moyens et les capacités des structures de soins de la 1è Région militaire ne sont pas aptes à en juguler la dégradation, et dont il est certain aussi que les autorités judiciaires en banalisent la portée, nous prenons à témoin l’opinion publique sur la responsabilité de ceux qui ont contribué à rendre impossible tout espoir d’une amélioration de l’état de santé d’un homme qui a consacré toute sa vie à la défense de la sécurité des Algériens et à la préservation de l’unité nationale», met en garde la famille du Général Toufik.

Une mise en garde qui résonnerait comme une menace envers le nouvel homme fort d’Alger et néanmoins ennemi juré de l’ancien patron du renseignement, le général «Toufik». Ce dernier, malgré son état de santé et son incarcération, garde une capacité de nuisance non négligeable.

Il compte encore nombre de fidèles dans les rangs de l’état-major de l'armée, autant que l’ancien coordinateur des services algériens, Athmane Tartag, codétenu depuis le 5 mai dernier avec le Général Toufik et le frère cadet du président déchu, Saïd Bouteflika. 

Cette guerre déclarée entre l'ancien patron du DRS et l'actuel homme fort d'Alger en dit beaucoup sur les dissensions profondes qui déchirent le seul corps de l'armée en Algérie et n'augure rien de bon pour le Général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah qui, mis sous une forte pression de la rue, envisagerait (déjà) un exil en Arabie saoudite ou aux Émirats arabes unis. 

Par M'Hamed Hamrouch
Le 16/09/2019 à 11h50