Quand le journal de droite «Le Figaro» se transforme en caisse de résonance d’un appel à l’anarchie au Maroc

Le siège du quotidien français «Le Figaro», boulevard Haussmann, dans le IXe arrondissement de Paris. 

Le siège du quotidien français «Le Figaro», boulevard Haussmann, dans le IXe arrondissement de Paris.  . DR

Prétextant une pétition de «400 artistes» marocains qui dénoncent la situation des droits de l’homme dans le pays, le journal «Le Figaro» a publié un long entretien avec l’historien Pierre Vermeren qui relaie l’appel des pétitionnaires à l’activisme et à la désobéissance civile au Maroc.

Le 22/08/2020 à 15h26

Dans son édition du vendredi 21 août, le quotidien français de référence Le Figaro a publié un entretien avec l’historien Pierre Vermeren sous le titre «La situation au Maghreb est potentiellement explosive». En fait le titre est un trompe-l’œil, parce qu’il n’est question que du Maroc dans ce long entretien. L’élément d’actualité qui a provoqué ce sujet est une pétition signée par «plusieurs centaines d’artistes et d’intellectuels marocains qui critiquent la régression de la liberté d’expression des opposants dans le pays», selon les termes du Figaro.

Intitulée «cette ombre-là», la pétition en question, dite des «400 artistes», dénonce la «répression policière » et la «diffamation» qui serait devenue monnaie courante dans les médias. Le texte pointe «plusieurs cas d’emprisonnement politique, de harcèlements et de répression, parmi lesquels l'arrestation des journalistes Omar Radi et Hajar Raissouni, ainsi que les répressions subies par des mouvements sociaux».

Si l’on reconnaît parmi les signataires de cette pétition quelques créateurs de renom, comme le poète Abdellatif Laabi, la majorité des pétitionnaires ne sont pas à proprement parler des artistes, mais se comptent parmi les rangs des pigistes, d’amis des artistes et de personnes qui nourrissent le projet de devenir artistes.

Le communiqué de presse de cette pétition est accompagné d’un pictogramme montrant une flamme. Etrange la coïncidence entre «la situation explosive» décrite par Pierre Vermeren et ce pictogramme. Il y a plus étonnant encore. Le communiqué de presse des «400 artistes» appelle à l’activisme et à des actions dignes d’une guérilla. Il interpelle les signataires en ces termes «Relayez le manifeste! Imprimez-le! Accrochez-le dans les espaces publics, et envoyez-nous une photo du manifeste accroché!» Et encore «Aujourd'hui, ils attaquent les journalistes; Demain, ils nous attaqueront toutes et tous un.e par un.e; SOYONS PRÊT.ES! ORGANISONS-NOUS!».

C’est un véritable appel au soulèvement et à l’insoumission civile. On se croirait dans le film «V for vendetta». Et c’est cet appel que relaie le bon vieux journal de droite, Le Figaro, où collaborent des ennemis déclarés de toute action de guérilla, comme le chroniqueur Eric Zemmour.

Qui est derrière la pétition des 400?

Questionnés sur l’initiateur de cette pétition, plusieurs signataires avouent l’ignorer. Mais tous décrivent une mobilisation et une organisation quasi militaires pour récolter les signatures. L’un d’eux décrit la situation comme suit: «j’ai refusé une première fois de signer. Une autre personne a pris le relais pour m’en persuader et quand elle a échoué à son tour, une troisième, une quatrième et puis une cinquième personne m’ont relancé. A la fin, ils m’ont eu à l’usure». L’un des signataires pénitents parle d’une«rabatteuse avec des arguments difficilement résistibles».

Plusieurs artistes, qui ont été approchés et qui ont refusé de signer la pétition, évoquent «l’harcèlement» dont ils ont fait l’objet.

Conscients d’avoir été instrumentalisés dans une pétition qui dépasse le cadre d’un texte, mais appelle à l’activisme et à l’action directe, nombre de pétitionnaires, qui ont fait le job du parfait idiot utile, ont demandé le retrait de leur signature. En vain! La personne qui leur avait soumis cette pétition ignore elle-même l’identité de l’initiateur. Las par la suite non donnée à leur appel à retirer leur signature, certains pétitionnaires, comme l’artiste plasticien M’barek Bouhchichi, ont rendu public sur leur page Facebook le retrait de leur signature.

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Parmi les initiateurs de la pétition des «400 artistes», un nom revient avec insistance, celui d’un jeune cinéaste qui se nomme Nadir Bouhmouch. Si ce dernier n’a pas encore enrichi le patrimoine artistique par une œuvre à citer, il est bien connu chez le Polisario. En 2014, il avait signé une tribune intitulée «Pourquoi je suis un Marocain qui soutient le peuple sahraoui» qui a été largement relayée par les médias algériens. Etait-il seul à la manœuvre? En tout cas, les techniques de relance qui ont été utilisées pour la collecte des signatures et l’appel à l’anarchie, relayé dans le communiqué de presse, sont propres aux officines qui visent à déstabiliser les Etats. Ces techniques sont enseignées dans des fondations, à l’instar de Berta Foundation, qui sous le couvert de droidelhommisme, servent un agenda.

Selon nos informations, le parquet pourrait ouvrir une enquête au sujet du communiqué qui accompagne la pétition des «400 artistes». Une contre-pétition a été initiée par des artistes marocains qui désapprouvent la teneur de la pétition des 400. Le360 a pu consulter la première liste des signataires, dont certains se comptent parmi les pionniers de l’art au Maroc. Contrairement à la pétition des 400, il n’y a pas d’intrus et chaque nom est accompagné par la qualité du signataire.

Quant à Pierre Vermeren, cela fait des années qu’il annonce l’apocalypse au Maroc. Le plus drôle, c’est que cet historien qui se prévaut de l’analyse objective relaie des fake news, diffusées sur les réseaux sociaux. Dans son entretien, il affirme que «pendant la fête de l’Aïd (dite du mouton), un marché de Casablanca a été pillé, et les gens sont repartis avec leurs moutons sans les payer; plus récemment, deux camions de livraison de Coca-Cola ont été pillés dans Casablanca.» Or aucun camion de livraison de boissons n’a été pillé cette année à Casablanca. A l’évidence, la source marocaine de Pierre Vermeren est davantage connue par sa tendance à mystifier l’histoire.

La pétition des «400 artistes» a fait jusque-là des vagues. Mais l’affaire ne fait que commencer et un tsunami arrive qui va modifier durablement la donne, particulièrement dans le domaine des arts plastiques et du cinéma où l’argent est roi.

Par Aziz Bada
Le 22/08/2020 à 15h26