Interview. "Ain El Haq" sur 2M: dans les coulisses du tournage avec le réalisateur

Omar Lotfi, Mohammed Choubi et Nisrine Erradi réunis autour du réalisateur Abdesslam Kelai

Omar Lotfi, Mohammed Choubi et Nisrine Erradi réunis autour du réalisateur Abdesslam Kelai . DR

Depuis le 3 janvier dernier, 2M diffuse un nouveau feuilleton signé Abdesslam Kelai. "Ain El Haq" réunit une belle brochette d'acteurs et d'actrices: Mohammed Khouyi, Amine Naji, Omar Lotfi, Niserine Erradi, Noufissa Benchahida. Les coulisses du tournage dans cette interview avec le réalisateur.

Le 05/02/2019 à 09h52

D'où est née l'idée du feuilleton Ain el haq?L’idée de la série m’est venue à la lecture des oeuvres théâtrales du dramaturge norvégien Henric Ibsen. Je me suis dit que les thématiques qu’il a traitées dans son pays au XIXe siècle sont d’une actualité impressionnante pour le Maroc d’aujourd’hui. Nous vivons dans un monde où les superstitions et la pensée métaphysique dominent encore les esprits, la vérité scientifique et rationnelle est combattue avec ferveur pour ne laisser place qu’à un système de pensée archaïque qui domine les sphères sociale, politique et même économique. La situation des femmes est déplorable, même si la société accepte son émancipation dans le marché de l’emploi, mais elles restent reléguées à des rôles secondaires dans la société. Nous sommes un peu dans la situation que Gramsci décrivait si bien en disant: «le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres». C’est cette transition difficile vers le rationnel, le moderne et l’équitable, que je raconte dans la série. 

Ces sujets se prêteraient aussi bien pour un long-métrage. Pourquoi avez-vous préfèré en faire une série pour la télévision? Oui, peut-être ! Mais une série, et surtout une série chorale et polyphonique comme «Aïn Al Haq» me permet, comme auteur, de cerner plusieurs aspect de la thématique centrale de la série. J’ai aussi essayé de dessiner une fresque de notre société, qui reflète son plus large spectre: On y voit des politiciens, des ouvriers, des intellectuels, des pauvres, des bonnes, des alcooliques, des pieux… C’est un regard que je jette sur la société dans laquelle je vis, pour essayer de partager un questionnement fondamental avec les spectateurs: «où réside notre mal?», et je pense que [ce genre, Ndlr], une série de television, se prête parfaitement à cette approche que j’ai comme réalisateur, qui est celle de vouloir toucher le maximum de gens et les faire participer à une réflexion que je considère pertinente et nécessaire.

Comment s'est passé le tournage et dans quelles conditions?Parfaitement bien ! Nous avons tourné pendant quatre mois et demi. J’ai donné le temps nécessaire au acteurs et aux techniciens pour faire un beau travail. Nous avons tourné dans ma ville, Larache, que je connais très bien et que j’aime filmer. Je me suis fait entourer des meilleurs comédiens et comédiennes marocains, ce qui m’a permis de créer avec eux des personnages profonds et complexes, ce que j’aime dans toute oeuvre dramatique. La post-production a duré trois mois. Nous avons fait le choix, avec mon directeur-photo, le talentueux Ayoub Lamrani, de tourner avec une Alexa en 4K, soit les meilleurs standards télévisuels du monde. Et voilà: tout nos efforts sont enfin récompensés par l’accueil très positif du public.

Quelles ont été les difficultés rencontrées durant le tournage?Dans un tournage, les difficultés n’en finissent pas. Mais vous savez, produire et realiser des films ou des séries, c’est d’abord savoir gérer les difficultés et essayer tout le temps de les voir comme des opportunités à réfléchir autrement ce que nous voulions faire.

Le budget de Ain el haq?Le budget est identique à celui que toutes les autres séries que les chaînes marocaine présentent, et peut-être un peu bas, parce que nous sommes passés par un système d’appel d’offre. Dix millions de dirhams, ce n’est pas là un grand budget pour une série de trente épisodes, de trente minutes chacun. Mais notre travail dans la production est d’abord d’être créatif, d’apporter une valeur ajoutée artistique, qui transmet à l’écran un résultat dépassant les moyens, et répondant aux attentes du public.

Les personnages féminins ont l'air d'avoir une place plus importante que celle des personnages masculins. Est-ce voulu?Oui, les femmes sont très importantes dans mes films et aussi dans cette série, pour la simple raison que je considère que la situation de la femme cristallise et reflète l’état actuel d’une société. Il y a plusieurs personnages féminins dans cette série, portés par des actrices formidables. J’ai eu le grand plaisir, avec ces comédiennes de créer une panoplie de portraits féminins, loin des clichés désavantageux qui dominent la vision que porte en général la télévision sur les femmes. J’ai voulu parler de la situation des femmeq sans tomber dans la redondance des stéréotypes féminins, qui versent souvent dans la victimisation. Les femmes, chez moi, sont fortes, pleines d’envie et d’énergie pour s’en sortir et aller de l’avant.

Votre prochain projet?«Les hommes de la nuit», un long-métrage dont la production est difficile et qui parle de mon thème récurrent: «comment le passé domine le présent et condamne le futur», à travers une histoire qui touche aux années de plomb au Maroc.

Ain El Haq: voici le synopsisSamir, maire ambitieux d'une petite ville, décide de lancer le grand chantier d'une station thermale, profitant des vertus supposées bénéfiques d'une eau de source à proximité. Mais bientôt, son frère Ismail, un docteur généreux et bienveillant, découvre que cette eau est contaminée. La petite ville est divisée sur la conduite à adopter vis-à-vis de la source "Ain Al Haq"...

Par Qods Chabaa
Le 05/02/2019 à 09h52