Algérie: une directrice d'un journal "asphyxié" par l'État cesse sa grève de la faim

Des Algériens participent à un rassemblement de soutien à Hadda Hazem, directrice du quotidien arabophone "El Fadjr", à Alger, le 20 novembre 2017.

Des Algériens participent à un rassemblement de soutien à Hadda Hazem, directrice du quotidien arabophone El Fadjr, à Alger, le 20 novembre 2017. . AFP

La directrice d'un quotidien algérien a mis fin lundi 20 novembre à Alger à une semaine de grève de la faim lancée pour protester contre les "pressions" financières de l'État sur son journal, privé selon elle de publicité pour des raisons politiques.

Le 21/11/2017 à 07h40

"J'ai pris cette décision sur les recommandations de mes médecins. Mon corps ne supporte plus", a déclaré Hadda Hazem, directrice du quotidien arabophone El Fadjr, à l'issue d'un rassemblement de soutien. 

Une centaine de journalistes, parlementaires et militants d'opposition s'étaient réunis devant le siège de son journal à l'appel d'un comité de soutien. Ils ont réclamé la levée du monopole de l'organisme chargé de gérer la publicité des administrations et entreprises publiques, scandant: "Non au chantage par la publicité!".

L'État est le plus gros annonceur en Algérie où la publicité des administrations et entreprises publiques est confiée par la loi exclusivement à l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep).

Hadda Hazem affirme que l'Anep a privé son journal de publicité en représailles à des propos critiques envers le président algérien Abdelaziz Bouteflika, qu'elle a tenus en août sur la chaîne de télévision française France 24. Elle dénonce "une sanction" qui a provoqué "l'asphyxie financière" de sa publication, contrainte, dit-elle, d'emprunter auprès des banques pour payer les salaires de ses journalistes.

L'Anep est régulièrement accusée d'être un instrument politique, de choisir les supports à qui elle achète des encarts non en fonction de leur audience ou tirage mais de leur ligne éditoriale vis-à-vis des autorités et de "punir" les voix dissidentes en les privant de publicité.

Le comité de soutien à Mme Hazem a demandé "la levée du monopole sur la publicité publique qui, combiné à la pression sur les annonceurs privés, permet au pouvoir politique de mettre au pas et d'étouffer les médias". Ce comité avait demandé en vain à être reçu dimanche par le ministre de la Communication Djamel Kaouane, qui était le PDG de l'Anep jusqu'à sa nomination au gouvernement en mai.

Ce dernier a répondu lundi aux accusations de Mme Hazem, affirmant que les encarts placés par l'Anep dans El Fadjr entre janvier et juillet 2017 avaient rapporté au journal environ 40 millions de dinars (environ 300.000 euros) et près de 760 millions de dinars (5,6 millions d'euros) depuis huit ans.

"El-Fadjr conteste les chiffres avancés par le ministre", a déclaré à l'AFP El Khadi Isane, journaliste du site Maghreb émergent et membre du comité de soutien à Mme Hazem, assurant que le journal avait fourni des documents en ce sens au comité.

En outre, "le ministre ne répond pas à la revendication de Mme Hazem, à savoir les représailles qu'elle a subies" ni "à la demande de levée du monopole de l'Anep sur la publicité institutionnelle", a-t-il expliqué.

Mme Hazem, "affaiblie" par sa grève de la faim, n'était pas en mesure de faire de commentaires dans l'immédiat, a indiqué son comité à l'AFP.

Le 21/11/2017 à 07h40