Rétro 2014. La Vision 2020 a du mal à s'éclaircir

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Près de quatre ans se sont écoulés après le lancement de la Vision 2020. Beaucoup de professionnels estiment que le bilan d’étape n’est pas satisfaisant, avec un plan Azur 2020 au point mort et un déficit de 5 millions de touristes pour rentabiliser le parc actuel.

Le 01/01/2015 à 12h05

Alors que, dans les milieux officiels, on est prompt à saluer les avancées du tourisme marocain, les professionnels, eux, disent sous cape leur amertume. L’état d’avancement de la Vision 2020 ne leur donne pas satisfaction. Les hôteliers, restaurateurs et autres développeurs de stations touristiques voient-ils le verre à moitié vide, et Lahcen Haddad, leur ministre de tutelle, le verre à moitié plein? On serait tenté de le croire, mais les premiers appellent plutôt à juger sur pièce et brandissent les chiffres.

Pour ce faire, il suffit de comparer les objectifs de la Vision 2020 avec les réalisations trois ans plus tard. Parmi les objectifs les plus simples à vérifier, il y a d’abord le nombre de touristes. La nouvelle vision veut simplement doubler les arrivées pour les porter de 10 millions enregistrées en 2010 à quelque 20 millions. Trois ans se sont écoulés et, pour l’heure, le nombre de touristes n’a pas varié tant que cela. Cette année, il sera difficile de franchir la barre des 11 millions de touristes. En effet, à fin octobre, le Maroc a reçu 8,9 millions de touristes, soit 3,2% de plus qu'en 2013. Pour atteindre l’objectif final, le gap à combler dans les six années à venir est de 9 millions de touristes supplémentaires, soit une augmentation moyenne de 1,5 million de nouveaux touristes par an. Il s’agit donc d’une croissance moyenne de 10% par an nécessaire pour réaliser les objectifs.

Déficit de 5 millions de touristes pour rentabiliser le parc actuelDe plus, même avec 11 millions de touristes, d’après La Société marocaine d’ingénierie touristique, cette année, "le taux de remplissage des hôtels n’est que de 50%, alors qu’il faut atteindre 70% pour le seuil de rentabilité". C’est effectivement ce que l’on peut lire dans le communiqué qui a suivi la tenue de la réunion du conseil d’administration. Or, atteindre 70% avec le nombre actuel de lits exploités signifie qu’il faut amener 40% de touristes en plus, soit près de 5 millions de touristes supplémentaires. Il faudra atteindre donc 16 millions de touristes, sans construire une seule chambre d’hôtels de plus.

Par ailleurs, il y a également le nombre de lits que la Vision 2020 veut doubler par la construction de 200.000 nouveaux lits, dont les trois quarts en hôteliers. Les investissements ont bel et bien augmenté, mais il n’empêche qu’on est très loin du compte. Et tous les observateurs conviennent qu’à ce rythme les 200.000 nouveaux lits sur les dix ans ne seront jamais atteints. Ils s’accordent à dire que ce n’est pas réaliste d’attendre une telle croissance. Pour atteindre un tel objectif, il aurait fallu s’en tenir scrupuleusement au plan que la vision avait mis en place.

On attend toujours la nouvelle gouvernanceQu’en est-il alors des autres objectifs? L’Offre devait être diversifiée avec, clairement, le balnéaire incarné par la Vision 2020, le culturel qu’il faut retrouver dans les régions traditionnelles de Marrakech-Essaouira, Rabat, Fès ou Tanger et l’environnemental formulé à travers le Haut Atlas, Ouarzazate, Dakhla. De l’avis des professionnels, le Plan Azur 2020 est en panne. Lors de la conférence de presse qui a suivi l’élection du bureau de Confédération nationale du tourisme (CNT), le président Abdelatif Kabbaj n’a pas hésité à le relever et à affirmer qu’ils allaient "s’attaquer à la dynamisation des stations en priorité, notamment celles de Saïdia, de Taghazout et d’Essaouira". Les autres volets n’ont pas plus avancé que cela, même si la Société marocaine de valorisation des kasbah a été créée en 2011 déjà.

On peut également se demander où en est la Haute Autorité du Tourisme et les Agences régionales de développement qui étaient censées redéfinir la gouvernance du tourisme. Là non plus, le projet n’a toujours pas abouti et les professionnels se demandent pourquoi. Même l’Observatoire marocain du tourisme, qui était géré bénévolement par un privé, n’a pas trouvé de nouveau président après la fin du mandat de Kamal Bensouda, actuel directeur d’Atlas Hospitality. L’Observatoire du Tourisme est abrité et financé par le ministère et a un rôle fondamental dans la réalisation d’études et la diffusion des statistiques.

En somme, Vision 2020 est en panne, et c’est normal que les professionnels du tourisme estiment que le secteur n’est plus la priorité du gouvernement. Là où l’automobile, l’aéronautique ou l’électronique réalisent une croissance à deux chiffres et commencent à rapporter des dizaines de milliards de dirhams en devises, l’activité touristique en est encore à ses objectifs de 2011. Quoi qu’il en soit, il y a autant de questions auxquelles Lahcen Haddad, le ministre du Tourisme, est censé répondre. Malheureusement, son département communication estime qu’en cette période de fin d’année, le délai donné par Le360 est trop court.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 01/01/2015 à 12h05