Réponse au droit de réponse de Hassan Bouhemou

Hassan Bouhemou, président de la SNI.

Hassan Bouhemou, président de la SNI. . Brahim Taougar - Le360

Suite à la publication par Le360 d’un article intitulé "La face cachée de la vente de Cosumar par la SNI", nous avons reçu deux droits de réponses, le premier de la SNI et le second de Cosumar. Le droit de réponse de la SNI rappelle aux plus anciens d’entre nous le temps du défunt Driss Basri.

Le 28/02/2014 à 17h55

Suite à la publication par Le360 d’un article intitulé La face cachée de la vente de Cosumar par la SNI, nous avons reçu, mercredi 26 février, deux demandes de droits de réponses : le premier de la SNI, qui a été publié dans son intégralité par une newsletter de la place et par le site d’information Medias24, le deuxième de Cosumar.

  • sni.pdf
  • pdg_cosumar_copie.pdf

Le droit de réponse de SNI a rappelé aux plus anciens d’entre nous le temps du défunt Driss Basri. Les plus jeunes d’entre nous ont été stupéfaits par l’autoritarisme de ce droit de réponse, son ton volontairement humiliant à notre égard et le champ lexical, puisé dans l’insulte et l’invective, qui y domine. Ce droit de réponse, qui se compose de six très longs points, ne peut rester sans réaction de notre part. A aucun moment, dans l’article incriminé, nous n’avons cité le PDG de SNI, Hassan Bouhemou, mais puisqu’il nous interpelle directement dans son droit de réponse en nous qualifiant de "concepteur", qu’il nous permette de lui répondre en le nommant.

Monsieur Hassan Bouhemou,

Nous sommes flattés par l’intérêt que vous accordez à notre site d’information et par la taille de votre droit de réponse qui dépasse même en nombre de caractères l’article qui vous a fait perdre votre sang-froid. Nous imaginons combien votre temps est précieux et vous remercions des heures consacrées à la réécriture et relecture de ce droit de réponse. Nous sommes des ignorants, comme vous nous le rappelez dans votre droit de réponse. Veuillez descendre des hauteurs de votre intelligence pour faire comprendre aux esprits simples que nous sommes pourquoi vous avez prêté tant d’attention à un article aussi ridicule. Pourquoi avoir sorti l’artillerie lourde, mobilisé des services pour traquer la moindre erreur, collecter des "preuves" dans l’espoir de nous discréditer ? Pourquoi utiliser un lance-missile pour abattre une mouche ?

Monsieur Hassan Bouhemou,

Vous êtes beaucoup moins drôle quand vous utilisez le ton du bâton qu’on pensait appartenir à une époque révolue. "Ceci est ainsi et ne sera pas autrement". Et on devrait vous répondre : "oui sidi !", sinon on sera traité comme des moins que rien. Votre langage nous rappelle Driss Basri quand il s’adressait à la presse. Votre mépris pour le métier que nous exerçons et la façon dont vous le manifestez sont anachroniques. Ne savez-vous pas que nous sommes en 2014 et que le roi Mohammed VI a imposé, depuis 1999, un nouveau concept de l’autorité ? Pensez-vous que diriger une holding royale vous donne le droit de maltraiter et de trainer dans la boue un organe de presse, juste parce qu’il ose émettre une critique ?

Monsieur, vous vous trompez d’époque. Vous n’êtes pas un wali, président de SNI, mais un mandataire social, censé être respectueux, responsable et pondéré. Le makhzénisme dont vous semblez vouloir adopter les méthodes a disparu lorsque le roi Mohammed VI a congédié Driss Basri et mis le Maroc sur la voie de la démocratie. Et encore ! Le Makhzen, le vrai, est fin, subtil, persuasif et ne se manifeste pas avec des trompettes sonnant l’humiliation et la terreur. Tout le contraire de votre agressivité et du mépris que vous manifestez à des journalistes. Car, ne vous en déplaise, Monsieur Bouhemou, nous sommes des journalistes et non pas des "concepteurs" ou "rédacteurs". Nous sommes des journalistes fiers et nous n’allons pas nous écraser ou raser les murs pour faire place à votre torrent d’insultes.

Vous avancez dans votre droit de réponse six arguments. Avant d’y répondre, et comme vous pointez du doigt notre professionnalisme et manque de déontologie, nous vous rappelons, monsieur, que nous vous avons adressé un email, le 11 février, avec quatre questions précises qui ne laissaient aucun doute sur la nature de notre article. Nous invitons les lecteurs à en prendre connaissance ici. Vous avez chargé Karim Chbani de SNI de nous envoyer des réponses dominées par des généralités alors que nous attendions du contenu.

  • reponse_de_cosumar.pdf

Si nous portions toutes les tares que vous mentionnez dans votre droit de réponse, pourquoi chercher à exprimer votre position sur les différents aspects abordés dans l’article ?

Nos réponses aux six points :

1- Vous récusez cette phrase extraite de notre article : "En entrant dans le capital de Cosumar, Wilmar s’assure l’exclusivité de la vente de sucre brut à l’entreprise marocaine". Vous écrivez : "Cette affirmation est totalement fausse puisque Wilmar a toujours été, et demeure, un fournisseur parmi d’autres de la société, qui en compte six. Aucun de ces fournisseurs ne détient de part dominante, et encore moins d’exclusivité". Nous n’avons jamais écrit que Cosumar n’était pas lié avec six fournisseurs. Nous ne parlons pas du présent Monsieur Bouhemou. Nous parlons de l’avenir et si vous voulez apporter un démenti à notre phrase, veuillez conjuguer votre propos au futur simple de l’indicatif en affirmant que Wilmar "demeurera" un fournisseur parmi d’autres et ne s’assurera pas l’exclusivité de l’approvisionnement en sucre brut de Cosumar. Il ne faut pas être très perspicace pour comprendre qu’une fois les contrats d’achat de Cosumar prendront fin, Wilmar va fournir en exclusivité l’entreprise en sucre brut. Les dispositions légales dont vous parlez et le conseil d’administration ne sauraient nous convaincre qu’une société, parmi les plus grands vendeurs de sucre brut au monde et possédant 27,5% du capital de Cosumar, va laisser l’entreprise où elles détient plus du quart des parts acheter le produit dont elle dispose chez d’autres fournisseurs. Cela défierait le bon sens !

2- Vous affirmez à propos de notre citation de l’économiste Najib Akesbi : "Pour étayer un article visiblement mal "inspiré", le rédacteur en est réduit à s’appuyer sur une citation vieille d'au moins deux ans". Cette citation date du 8 février 2014 et nous vous invitons à écouter une partie de l’entretien réalisé par une journaliste de Le360 avec Najib Akesbi pour vous convaincre de son caractère actuel.

Vous ajoutez : "On pourrait s’interroger sur les raisons qui poussent le "concepteur" de l'article à douter de l’attractivité d’un actif comme Cosumar et plus généralement de l’attractivité du Maroc en tant que plateforme d’investissement en Afrique". Monsieur, vous avez dû confondre notre article avec un dossier commandé par les services algériens. Car nous n’avons jamais émis l’ombre d’un doute sur l’attractivité des actifs de SNI et encore moins sur l’attractivité du Maroc. Notre ligne éditoriale, claire, apporte chaque jour un démenti cinglant à votre accusation. Un article à contre-courant du cortège de louanges de la cession de Cosumar par SNI ferait donc de nous des personnes hostiles aux intérêts de la nation ? Vous traiteriez donc d’ennemis du pays les personnes qui seraient en désaccord avec vous ? Cela nous replonge encore une fois dans une époque révolue.

3- Vous démentez notre affirmation d’avoir adressé une question à Mohammed Fikrat, PDG de Cosumar, qui est restée sans réponse. Nous confirmons lui avoir envoyé sur son téléphone portable trois messages relatifs à la quote-part de sucre produit localement et de sucre importé dans le volume des achats de Cosumar. Néanmoins, nous concédons qu’il est possible que le PDG de Cosumar n’ait pas reçu nos messages. Et si tel est le cas, nous lui présentons nos excuses les plus sincères. Cela étant, pourquoi aurions-nous cherché à mentir au sujet du PDG de Cosumar ? Qu’est ce cela aurait changé à notre analyse et à la teneur de notre article ?

4 et 5- Vous ajoutez en pièce jointe à votre droit de réponse un extrait de lettre envoyée aux candidats au rachat de parts Lesieur Cristal, qu’ils soient marocains ou étrangers, pour récuser notre analyse visant à montrer que le schéma de consortium d’institutionnels marocains appliqué à la cession Cosumar n’a pas été mis en place pour Lesieur. Vous savez très bien, Monsieur, qu’il existe une grande différence entre envoyer un formulaire à des investisseurs potentiels pour sonder s’ils sont intéressés par l’achat de parts et combien ils veulent en prendre et faire le tour des institutionnels marocains en leur présentant un argumentaire et en cherchant à les convaincre. La lettre que vous ajoutez en pièce jointe est une lettre morte, qui ressemble au dépliant commercial d’une société d’assurance, tant qu’elle n’est pas portée par des discussions et des échanges avec des institutionnels marocains, un par un, dans le but de les persuader de participer à l’opération en négociant un pacte d’actionnaire avec eux. En somme, exactement la démarche personnalisée que vous avez menée avec les institutionnels marocains qui sont entrés dans le capital de Cosumar et qui ne reposait pas sur un courrier. Ce qui a permis à Cosumar de battre le pavillon marocain à l’opposé de Lesieur Cristal. S’il y avait une véritable volonté de conserver ce fleuron de l’industrie nationale dans le giron marocain, vous auriez trouvé d’autres arguments qu’un formulaire envoyé par poste.

6- Monsieur, vous avez réagi à ce que nous avons écrit sur la cession de Centrale Laitière à Danone par ceci : "Au sujet de cette opération, SNI a bien expliqué à différents supports qui ont eu le professionnalisme de l’interroger de bonne foi sur la transaction Centrale Laitière, qu’elle ne disposait pas de marge de manœuvre car elle était tenue par les termes d’un pacte d’actionnaires signé par l’ONA en 1996, renouvelé en 2001 avec Danone partenaire historique de la société". Nous avons été très surpris par votre défense. Un homme de votre intelligence reculerait donc devant un obstacle aussi simple qu’un pacte déjà signé ? Les pactes comme les contrats sont faits pour être négociés et renégociés. N’en avez-vous pas, vous-mêmes, fait l’expérience en renégociant les pactes de Auchan et d’Axa-Assurances ? Mais il est vrai, Monsieur, qu’à l’époque, ONA existait encore et que vous n’étiez pas aux commandes. Evidemment, il ne viendrait à personne l’idée de commettre un sacrilège en osant soupçonner que d’autres responsables puissent être plus compétents que vous.

Pour conclure Monsieur Bouhemou, sachez que nous faisons notre métier de journalistes et que si nous nous trompons, nous sommes prêts à corriger nos erreurs. Nous n’avons pas un parti pris contre SNI comme vous l’insinuez. Bien au contraire, nous mesurons, comme tous les citoyens dans ce pays, le poids de ce groupe et savons que les cessions effectuées ont augmenté les réserves du Maroc en devises et accru l’attractivité du pays en direction des investisseurs étrangers. Nous supposons aussi que vous prenez des instructions et rendez des comptes et qu’il existe certainement des intérêts et des enjeux que nous ignorons.

Mais nous refusons de nous courber devant les mesures d’intimidation et d’humiliation appartenant à une autre époque. Si vous voulez nous convaincre, changez de ton.

Par Le360
Le 28/02/2014 à 17h55