Rentrée économique: les cinq dossiers chauds sur la table du gouvernement

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Pour assurer une relance vigoureuse et pérenne de l’économie nationale, le gouvernement sera amené, dès ce mois de septembre, à lancer de concert une série de chantiers structurants et décisifs. En voici cinq, parmi les plus attendus.

Le 30/08/2020 à 16h29

En cette rentrée hors du commun, la relance de l'économie nationale est érigée en priorité des priorités par les pouvoirs publics. Dans son discours du Trône, le 29 juillet dernier, le roi Mohammed VI a déjà balisé le terrain et fixé les grandes orientations économiques pour les mois et les années à venir, qui permettront à l’économie nationale d’amorcer une reprise vigoureuse, après qu’elle a subi le double choc d’une campagne agricole insuffisante et des effets d'une crise sanitaire sans précédent.

C’est peu dire que le gouvernement est attendu au tournant au regard de la gravité de la situation: une croissance attendue en baisse de 5% en 2020, un taux de chômage qui s’est déjà accru de 4,2 points, à 12,3%, et qui pourrait encore grimper durant l’automne, des défaillances d’entreprises attendues en fortes hausse, et une situation épidémiologique qui continue de se dégrader jour après jour, depuis plusieurs semaines maintenant.

L’Exécutif devra opérationnaliser, sans tarder, les hautes orientations royales, notamment l’injection d’environ 120 milliards de dirhams soit l’équivalent de 11% du PIB, dans l’économie. Dans ce contexte, plusieurs chantiers décisifs seront simultanément lancés.

Structuration du Fonds d’investissement stratégiqueLe premier de ces chantiers concerne la structuration et l’opérationnalisation du Fonds d’investissement stratégique, pièce maîtresse du dispositif de plan de relance de 120 milliards de dirhams annoncé par le roi Mohammed VI, dont 45 milliards de dirhams seront consacrés à l'investissement et 75 milliards seront réservés à l'accès aux financements garantis par l’Etat au profit de l'ensemble des entreprises marocaines.

Le décret-loi portant création d’un compte d’affectation spéciale, baptisé «Fonds d’investissement stratégique», a d’ores et déjà été publié au dernier Bulletin officiel, le 18 août dernier. Pas moins de 45 milliards de dirhams seront affectés à ce Fonds d’investissement stratégique. Il aura pour mission l’appui des activités de production, ainsi que l’accompagnement et le financement des grands projets d’investissement public-privé.

A charge pour Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie et des Finances, et à ses équipes, de définir les paramètres encadrant la structuration de ce Fonds, le détail précis des financements ainsi que sa gouvernance.

Outre le budget de l’Etat à hauteur de 15 milliards de dirhams, les recettes fiscales, l’émission de bons d'investissements nationaux, la cession de biens publics non stratégiques ou encore la sollicitation d'un financement étranger auprès notamment des différentes banques de développement sont, entre autres, les différentes pistes susceptibles de constituer des éléments du montage financier de ce fonds. Tout ces éléments seront dévoilés durant le mois de septembre, a promis le ministre.

Amorce de la généralisation de la couverture socialeDans son discours du Trône, le roi Mohammed VI a appelé à lancer un processus de généralisation de la couverture sociale au profit de tous les Marocains, et ce, au cours des cinq prochaines années. Le déploiement de la réforme des quatre composantes de la couverture sociale se fera en deux phases. La première, de 2021 à 2023, sera consacrée à la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et des Allocations familiales (AF). S’ensuivra une deuxième phase, 2024-2025, au cours de laquelle le gouvernement s’attellera à déployer la généralisation de la retraite et de l’Indemnité pour perte d’emploi (IPE).

Dans sa lettre de cadrage adressée aux ministères pour préparer le projet de loi de finances 2021, le chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, s’est engagé à lancer rapidement ce chantier structurant. L’Exécutif devra dans ce sens ouvrir un dialogue social constructif avec le patronat et les syndicats, afin d’élaborer une vision pragmatique globale, incluant le calendrier de la réforme, son cadre légal et ses options de financement. La généralisation de l’AMO sera la première étape de ce vaste chantier. Le gouvernement est en train d’évaluer l’impact financier de ce dispositif, pour pouvoir le programmer dans le projet de loi de finances 2021.

Ce chantier structurant devrait mobiliser un budget additionnel annuel de 10 à 15 milliards de dirhams. 

Refonte des établissements et entreprises publicsLe gouvernement est aussi appelé à faire un grand ménage dans les Etablissements et entreprises publics (EEP).

Le roi Mohammed VI, dans son discours du Trône, a appelé à une réforme profonde du secteur public qui «doit être lancée avec diligence pour corriger les dysfonctionnements structurels des établissements et des entreprises publics, garantir une complémentarité et une cohérence optimales entre leurs missions respectives et, in fine, rehausser leur efficience économique et sociale».

A cette fin, l’Exécutif est appelé a créer une Agence nationale dont la mission consistera à assurer la gestion stratégique des participations de l’Etat et à suivre la performance des établissements publics.

Les EEP au rendement insuffisant, ou dont la gestion connait des dysfonctionnements, sont appelées à disparaître. Au total, près de 70 entités qui traînent depuis plus d’une décennie, faute de volontarisme, notamment des tutelles techniques, pourraient être liquidées. 

Sortie du Trésor à l’internationalAfin de faire face à des besoins de financement croissants liés à la pandémie du coronavirus, le Maroc a fait le choix de s’endetter sur les marchés internationaux. Le Maroc émettra en effet des obligations sur sa dette souveraine sur les marchés internationaux à la rentrée, en septembre.

Le Maroc se dit prêt pour cette sortie sur le marché obligataire international, et le gouvernement n'attend plus que le moment propice pour émettre ses obligations souveraines afin de bénéficier des meilleures conditions d’emprunts possibles.

Cet emprunt devrait également pallier la baisse attendue des réserves en devises, en raison de l'impact de la crise sur plusieurs secteurs pourvoyeurs en devises, en particulier le tourisme, les Investissements directs étrangers (IDE) et les secteurs exportateurs, en plus des transferts de fonds des Marocains résidant à l'étranger.

Selon le site Bloomberg, le Trésor envisage de réaliser deux émissions, l’une en euros et l’autre en dollars, d’une maturité d’au moins cinq ans chacune. Reste à savoir à quel taux le Maroc empruntera ses devises. Rappelons qu’en novembre 2019, le Maroc avait déjà levé avec succès plus d’1 milliard de dollars à un taux historiquement bas, de l'ordre de 1,5%. Pour la sortie à venir, la prime de risque devrait néanmoins être plus élevée, en raison de la détérioration des agrégats macro-économiques du Royaume, causée par la crise sanitaire.

Redynamiser le programme IntelakaA son lancement en janvier dernier, sous l’impulsion du roi Mohammed VI, le programme Intelaka avait suscité bien des espoirs parmi les jeunes et les entrepreneurs. Ce programme, qui comporte plusieurs mesures destinées à faciliter l’accès au financement des jeunes porteurs de projets et des très petites et petites entreprises (TPE) a entre-temps été mis en stand-by, et ce, depuis la mi-mars, en raison de la crise sanitaire. Le gouvernement assure que la redynamisation du programme Intelaka fait partie de ses priorités.

Sachant que la crise liée à la pandémie du Covid-19 engendrera une hausse du chômage, le programme Intelaka devrait permettre à plusieurs jeunes de se lancer dans l'entrepreneuriat. Le gouvernement, la Caisse centrale de garantie (CCG) et le secteur bancaire, sont donc appelés à redéployer ce dispositif dans les plus brefs délais et dans les meilleures conditions. D’autant qu’avant sa mise en stand by, ce programme avait donné des résultats très encourageants, avec un total des crédits débloqués avoisinant 200 millions de dirhams à fin mars 2020. 

La réussite de ces chantiers stratégiques conditionnera l’avenir économique du Royaume. Autant dire que le gouvernement n’a pas droit à l’erreur.

Par Amine El Kadiri
Le 30/08/2020 à 16h29