PLF 2017: le dernier de la mandature sans rupture

Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement.

Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement. . Brahim Taougar Le360

Les objectifs de la note de cadrage du chef du gouvernement seront-ils tenus dans le contexte actuel? Qu’en est-il des contraintes budgétaires? Quelle serait la marge de manœuvre?

Le 11/08/2016 à 16h55

D’ici le 26 août au plus tard, les ministres doivent avoir fixé leurs choix budgétaires. Ce délai a été fixé par le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane dans sa lettre de cadrage transmise ce début de semaine pour que le PLF 2017 soit fin prêt 70 jours avant la fin de l’année, c’est-à-dire avant le 20 octobre prochain.

A en juger par les attentes de la population, le projet de loi de finances pour l’année 2017, vu sous l’angle de la note de cadrage du chef du gouvernement, n’opère aucune rupture. Le gouvernement Benkirane, à la fin de son mandat, reste fidèle à ses choix majeurs: poursuivre le processus des réformes.

Au-delà du sacro-saint principe des grands équilibres macroéconomiques, notamment la réduction des déficits, la lettre d’orientation adressée aux ministres, ce début de semaine, rappelle les priorités (déjà mentionnées dans les lois de finances précédentes) et souligne -c’est une nouveauté- la nécessité de renforcer la sécurité du pays et des citoyens.

«Bilan positif»

Mais, cette fois-ci, la note de cadrage s’apparente à un «bilan positif» du gouvernement Benkirane. On notera bien que le PLF 2017 est le dernier de l’actuelle mandature et le gouvernement fera bien d’en profiter pour mettre en exergue ses réalisations en cette période pré-électorale.

Certes, de bonnes réalisations sont à inscrire à l’actif du gouvernement, notamment la décompensation du fuel et de l’essence, et la réforme de la Caisse marocaine des retraites… Bien que cette dernière est passée au forceps.

Benkirane tient à rappeler que son gouvernement a réussi à ramener le déficit budgétaire à 4,3% en 2015 et prévoit de le baisser encore à 3,5% en 2016 au lieu de 7,2% du PIB à son arrivée aux affaires en 2012.

Idem pour le déficit de la balance des paiements qui est passé de 9,5 du PIB en 2012 à 2,2% en 2015. En parallèle, les réserves en devises du pays se sont renforcées couvrant plus de 7 mois d’importations en 2015 contre environ 4 mois en 2012.

Cette performance s’explique, de toute évidence, par la montée en puissance de l’industrie automobile, devenue aujourd’hui premier secteur exportateur, mais aussi par la baisse de la facture pétrolière -à la faveur de la chute des cours- couplé à la décompensation et à l’indexation des prix à la pompe aux cours sur les marchés internationaux, ainsi que les flux des investissements internationaux.

Serrer la vis

En revanche, en matière de création d’emplois, la note de cadrage, tout en soulignant l’importance de la valorisation du capital humain, reste paradoxalement très discrète. Pas le moindre indicateur qui puisse renseigner sur la volonté de créer plus d’emplois, comptes tenu des fortes attentes des jeunes diplômés. Car, à quoi rime une croissance économique quand elle ne crée pas d’emplois ?

Sur ce point, le document du chef du gouvernement est cruellement pingre. Le fait de recommander aux ministres d’être très regardants en matière des dépenses signifie «serrer la vis».

Le gouvernement maintient donc les réformes annoncées : réduction du déficit budgétaire, maîtrise des dépenses, meilleure gouvernance des projets d’investissement publics, réduction des disparités sociales et régionales… Mais à quel prix ?

Déjà, à travers la réforme fiscale qui a vu la hausse de la TVA et de la TIC, le pouvoir d’achat des Marocains a été fortement réduit, pénalisé par la pression fiscale et l’augmentation des prix des produits de consommation dans le sillage de la décompensation. Cette dernière n’est pas totalement achevée, et il est attendu qu’elle porte bientôt sur le gaz butane. Autre matière qui enflamme les dépenses publiques.

L’œil du FMI

Toujours dans la case réduction des dépenses publiques, thème cher à la Banque mondiale et le FMI, celle-ci ne serait possible qu’en réduisant le train de vie de l’Administration marocaine, dont le rendement est toujours discutable. On rappellera ici que le FMI garde un œil sur ces deux indicateurs : celui des dépenses publiques qui représentent plus de 30% du PIB et celui de la masse salariale qui évolue au-dessus des 11% du PIB.

Cela dit, le PLF 2017 s’inscrit dans un contexte de fort ralentissement de la croissance cette année 1,5% selon le HCP. Une décélération qui s’explique par les faibles précipitations et la maigre moisson céréalière. C’est dire que la croissance économique dépend encore de la générosité du ciel.

Il est vrai que le Maroc a entamé le processus de transformation industrielle -à travers le Plan d’accélération industrielle-, mais dont les fruits prendront du temps à produire leur jus.

La question est de savoir si la croissance sera au rendez-vous en 2017. Rien n’est sûr. En tout cas, la note de cadrage ne souffle pas mot. Il est bien évident que dans le contexte incertain d’aujourd’hui, il serait difficile de prévoir l’évolution future de l’économie mondiale, notamment celle des matières premières (pétrole, produits miniers et agricoles). Difficile aussi de tabler sur un scénario de croissance, alors que les prévisions économiques sont vite contrariées par la conjoncture.

On comprendra donc pourquoi la note de cadrage ne s’écarte pas des lignes tracées à l’avance. On ne s’étonnera pas si la morasse du PLF 2017 sera un simple «copier-coller» des anciennes.

Le Plan numérique et l’économie verte, ces deux nouveaux piliers de la croissance appellent plus d’ingéniosité et plus de courage politique de la part du prochain gouvernement (on saura lequel après les élections du 7 octobre) dès lors qu’ils offrent plein d’opportunités en termes de création d’emplois et de forte valeur ajoutée pour la croissance économique. Leur mise en œuvre nécessitera, à coup sûr, de nouveaux financements. D’où la probabilité de recourir à nouveau à des levées de fonds sur les marchés financiers internationaux. Le gouvernement aura-t-il la marge suffisante pour opérer ce choix?

Faudrait attendre et voir les propositions des différents ministères.

Par Abdelouahed Kidiss
Le 11/08/2016 à 16h55