Paradis fiscaux: le Maroc échappe à une étrange liste "noire" de l'UE

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C’est une liste qui fera certainement couler beaucoup d’encre durant les prochains jours. L’Union européenne vient de dresser une liste noire de 17 pays considérés comme des paradis fiscaux. Et il paraît que le Maroc a failli y être intégré avant de se retrouver dans une liste «grise».

Le 05/12/2017 à 16h05

Les 28 ministres des Finances de l'UE, réunis mardi à Bruxelles, se sont dotés d'une liste noire de 17 pays considérés comme des paradis fiscaux opérant hors de leurs frontières, une première pour l'Union.

"Nous avons adopté aujourd'hui au niveau de l'UE une liste d'Etats qui ne font pas le nécessaire pour lutter contre l'évasion fiscale. Cette liste, qui est une liste noire, comprend 17 États", a annoncé le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, devant des journalistes, en marge de la réunion.

Selon une source européenne, les 17 pays qui figurent sur la liste noire sont les suivants: Bahreïn, Barbade, Corée du Sud, Emirats Arabes Unis, Grenade, Guam, Îles Marshall, Macao, Mongolie, Namibie, les Palaos, Panama, Samoa, les Samoa américaines, Sainte Lucie, Trinidad et Tobago et la Tunisie.

"Et il y a 47 pays sur une liste grise -des pays qui ont pris des engagements qui doivent être suivis, ndlr-", a ajouté Le Maire.

Le Maroc et le Cap Vert auraient pu se retrouver sur la liste noire, mais après des discussions en matinée, ils sont sur la liste grise, a précisé la source européenne. Ils avaient envoyé des engagements très récemment. La Suisse s'y trouve aussi, selon cette même source. La liste noire est bien plus fournie que celle publiée par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui avait épinglé cet été un seul et unique pays: Trinidad et Tobago.

Jusqu'au tout dernier moment, la liste de l'Union européenne, très attendue après les scandales récents qui ont révélé différents systèmes d'évasion fiscale, a fait l'objet de tractations entre les Etats membres. Car, conformément aux règles européennes sur les questions fiscales, les 28 doivent s'entendre à l'unanimité sur le nom des pays "blacklistés". Parmi ceux qui ont décidé de se plier aux demandes de l'UE, les pays développés ont jusqu'à la fin 2018 pour le faire et les pays en développement jusqu'à la fin 2019.

Avant la réunion des ministres, Moscovici avait "invité les Etats membres à ne pas faire preuve de naïveté face aux engagements qui sont pris, à s'assurer qu'ils sont tenus et à mettre en place des sanctions dissuasives car il faut maintenir la pression sur les pays tiers". "Le principe des sanctions est acquis", a assuré Bruno Le Maire, après la réunion. "J'ai également demandé ce matin à la Commission européenne (...) que nous définissions maintenant rapidement quelles sont les sanctions qui vont concerner ces 17 Etats", a-t-il ajouté. "Ces sanctions, c'est aussi une question de crédibilité pour l'Union européenne", a-t-il insisté.

Les 28 de l'UE ont en effet du mal à s'accorder sur la question: un premier bloc composé, outre la France et la Commission européenne, de la Belgique, l'Autriche, l'Allemagne, la Roumanie, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Slovénie, prône des sanctions dures. Un autre bloc -Luxembourg, Royaume-uni, Malte, Suède, Irlande, Pays-Bas, Lituanie, Finlande et Grèce- plaide pour des sanctions plus souples, qui passeraient surtout par une surveillance accrue des Etats épinglés. La liste noire doit être régulièrement actualisée.

Epaulés par la Commission européenne, qui pousse depuis deux ans pour l'établissement de cette liste, les 28 Etats membres ont passé au crible un total de 92 juridictions (Etats et territoires, ndlr), susceptibles de poser problème - parfois des îles minuscules -, à l'aune de trois critères:

- La transparence fiscale: pratiquent-elles ou non l'échange automatique d'informations ?

- L'équité fiscale: appliquent-elles ou pas, par exemple, des mesures fiscales préférentielles dommageables ?

- Mettent-elles en oeuvre ou pas les mesures de l'OCDE contre l'optimisation fiscale agressive ?

Au moment de l'élaboration des critères, certains Etats membres de l'UE avaient plaidé pour qu'un taux d'imposition zéro sur les sociétés soit également pris en compte, mais d'autres comme les Britanniques y étaient opposés. En février dernier, les 28 s'étaient finalement entendus pour que le taux d'imposition zéro soit simplement identifié comme "indicateur" dans l'évaluation d'une juridiction.

Le 05/12/2017 à 16h05