Notaires: les raisons de la colère

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Dans un avis paru le 13 février dernier sur le Bulletin Officiel N° 6866, le Conseil de la Concurrence estime que «la réglementation des tarifs pratiqués par les notaires est de nature à porter atteinte au principe de la concurrence dans la profession». L'ensemble de la corporation s'est soulevée.

Le 24/02/2020 à 08h47

Suite à la publication au Bulletin officiel nº 6856 du 13 février 2020 de l'avis du Conseil de la concurrence, relatif à la fixation des honoraires des notaires, le Conseil national de l’ordre des notaires du Maroc (CNONM) s’est réuni en urgence le vendredi 21 février 2020. Il appelle à une grève générale les 27 et 28 février «qui sera renouvelée jusqu'à satisfaction totale de ses revendications», lit-on dans un communiqué rendu public à l’issue de cette réunion.

Le Conseil de la Concurrence estime en effet que «la réglementation des tarifs pratiqués par les notaires est de nature à porter atteinte au principe de la concurrence dans la profession. Les notaires seront ainsi moins motivés pour rehausser la qualité de leurs services et donc celui de la concurrence entre eux, puisque le niveau de leurs honoraires est fixé d’avance». 

Pour le Conseil de la Concurrence, le fait de réglementer les honoraires affectera les intérêts des clients des notaires, ces derniers n’ayant plus désormais à choisir entre plusieurs offres, puisqu’elles seront toutes identiques. Une véritable tempête s’en est suivie.

Dans son communiqué, le Conseil national de l’ordre des notaires dénonce ainsi «fermement le fait de considérer les honoraires des notaires comme une marchandise soumise à la loi de l’offre et de la demande». L'ordre des notaires refuse également le fait de prendre le décret fixant les honoraires des Adouls comme critère pour fixer les honoraires des notaires, ainsi que le fait d'affirmer que la profession de notaire est apparue pendant la période de la colonisation.

Dans le même ordre d’idées, l'ordre des notaires rejette le fait de considérer l’accès au notariat, dont l'entrée en vigueur n'est pas encore effective en attendant la création de l’institut de formation des notaires, comme un accès au marché. Il refuse également de le recours non-pertinent au droit comparé, notamment la loi française, canadienne et belge, afin d'étayer son avis favorable au plafonnement des honoraires, alors même que le droit de ces pays ne plafonne guère les honoraires des notaires.

Par conséquent, l'ordre des notaires considère que le plafonnement des honoraires des notaires conduira à vider le décret de son sens. La formulation «le notaire perçoit des honoraires ne dépassant pas la tarification en annexe» peut ouvrir la voie à une concurrence illicite et déloyale entre les notaires de même qu’il va à l’encontre de l’article 15 de la loi 32.09 qui stipule que «le notaire a le droit de percevoir des honoraires dont le montant et les modalités de perception sont fixés par voie réglementaire», ce qui rendra légale la pratique des prix abusivement bas, et nuira ainsi à cette profession au nom de la liberté des prix et de la concurrence entre les notaires.

Rappelant que le notariat n’est pas une activité commerciale, que le notaire est interdit de faire de la publicité afin d’attirer des clients, qu’il n’est pas soumis à la loi de l’offre et de la demande, le conseil de l'ordre desnotaires considère que le notaire, en tant que délégataire de l'autorité publique, assure un service public et garantit la sécurité des contrats moyennant des honoraires respectables, et assure l’établissement des actes notariaux fiables en vue de sécuriser les transactions.

Les notaires demandent en conséquence à ce que le gouvernement adopte la formulation telle que convenue avec le ministère de la Justice et les autres départements. Celle-ci stipule que «le notaire perçoit des honoraires conformément aux tarifs fixés par le projet de décret».

En attendant, il appelle à la tenue d'une grève générale.

Par Youssef Bellarbi
Le 24/02/2020 à 08h47