Médecine "de confort" au Maroc: un tourisme de niche promis à un bel avenir?

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En ce contexte de crise sanitaire de la pandémie du Covid-19, se pose une autre problématique: le "tourisme médical" au Maroc, un tourisme de niche encore en devenir. Chirurgie esthétique, opérations ou soins dans des cliniques privées, pour des patients venus de l'étranger en quête de coûts moindres et de confort... Questions, pour une relance.

Le 09/12/2020 à 13h24

Une tendance vers ce type de tourisme spécifique, dit "de niche", qui génère plus de 80 milliards de dollars par an à travers le monde et connaît une évolution remarquable avec un potentiel de croissance annuelle de 30%, a débuté au Maroc depuis déjà plusieurs années.

Imad Barrakad, Président du directoire de la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT), le confirme à la MAP: "on dénombre actuellement au Maroc plusieurs cliniques spécialisées réparties entre Casablanca, Rabat, Agadir, Marrakech et Tanger. Leur bonne réputation, mise en valeur sur les réseaux sociaux, leur permet de gagner en notoriété et de séduire une clientèle essentiellement étrangère", a-t-il expliqué.

Imad Barrakad cite une étude élaborée par la SMIT pour servir de feuille de route visant à déterminer les options stratégiques du développement du tourisme médical au Maroc, et indique qu'un diagnostic national a permis de constater une forte émergence de cette "industrie" au cours de la dernière décennie.

Des "patients-touristes" en provenance d'Europe ou d'Afrique se déplacent déjà au Maroc pour subir des interventions médicales diverses, dont des opérations de chirurgie esthétique et des traitements dentaires, dans des cliniques équipées de technologies de pointe et dotées d'équipes médicales qualifiées, a-t-il décrit.

Et de préciser que ces cliniques sont essentiellement concentrées sur l'axe Rabat-Casablanca et proposent des services complémentaires (transfert de ou vers l'aéroport, un logement, un "package touristique", etc.).

S'agissant des raisons qui poussent ces "patients-touristes" à se tourner vers le Maroc, le président du directoire de la SMIT a mis en avant, en autre autres, l'emplacement géographique privilégié du Royaume, à quelques heures en avion des grandes villes européennes, mais aussi des pays du Moyen-Orient et d'Afrique, en plus des coûts moindres pour ce type de services médicaux, très concurrentiels par rapport aux pays où ces médecines de pointes ont été inventées.

Autre point à l'avantage de la destination Maroc pour cette niche touristique: la notoriété des médecins marocains dans certaines disciplines, une large palette de produits touristiques à explorer et un climat agréable, qui permet d'envisager de façon plaisante un séjour médical avec une période de convalescence au soleil.

Par ailleurs, Imad Barrakad souligne que le tourisme médical pourrait faire partie de l'équation de relance de l'économie marocaine, à condition d'engager immédiatement un certain nombre de chantiers, en parallèle, qui favoriseraient son développement.

Imad Barrakad a cité quatre de ces chantiers: l'accréditation des structures sanitaires au Maroc, la création de "Medical Tourism Facilitator" (des agents commerciaux, dont le rôle est très important dans la promotion et la croissance du tourisme médical et, pour la plupart des patients, c'est d'ailleurs là le premier contact), une promotion des investissements dédiés au tourisme médical, et enfin la mise en place d'une stratégie commune entre les différentes parties prenantes, publiques et privées. 

La "destination Maroc" stratégiquement placée, pourra ainsi séduire davantage de "patients-touristes"

Situé à une position stratégique, aux portes de l'Europe au nord, et de l'Afrique subsaharienne au sud, le Maroc dispose d'atouts incontournables à même de promouvoir encore plus le tourisme médical et même, pourquoi pas, d'en faire une locomotive du tourisme de luxe au Maroc.

L'ambition de voir le Royaume profiter pleinement de cette niche touristique ne cesse d'ailleurs de grandir, particulièrement avec la perspective de la croissance de ce marché mondial. 

Au cours de cet entretien avec la MAP, Camelia Dinia, consultante en stratégie de transformation digitale, a mis en avant la place stratégique du Maroc qui est considéré comme un "hub" dans de nombreux domaines (finance, tourisme, industrie automobile, etc.).

"Nous avons déjà un certain privilège que ça soit au niveau des infrastructures, de la réputation du Maroc à l'échelle internationale, mais également par rapport à la position stratégique du pays lui-même", a déclaré Camelia Dinia, co-auteure, avec Jihad Jorio, consultante spécialisée en stratégie et management, d'un policy paper sur une étude intitulée "Relance du tourisme médical au Maroc: une industrie négligée mais rentable".

Selon Camelia Dinia, "aujourd'hui, avec cette approche tourisme médical, le but est non seulement de relancer le tourisme, mais aussi de repenser complètement le système et la politique sanitaire au Maroc. Nous savons que cette politique sanitaire a besoin d'être revue et l'aborder actuellement sous la forme de tourisme médical, inciterait les différentes parties prenantes à revoir ce système".

En outre, Camelia Dinia a fait savoir que cette étude, publiée par l'Institut marocain d'intelligence stratégique (IMIS), préconise de créer "un office du tourisme médical", entièrement dédié à ce type de tourisme.

Cet office, a-t-elle précisé, aurait pour mission d'élaborer un plan marketing, d'assurer des partenariats et des alliances avec éventuellement des confrères médecins de pays d'Afrique, afin de "faciliter le transit et l'acheminement des patients qui ont besoin de chirurgies lourdes", de mettre en place une "réglementation et le suivi nécessaires pour cadrer l'ensemble des projets du tourisme médical".

Camelia Dinia a également insisté sur la nécessité d'avoir une partie digitalisée de cet office, une "vitrine digitale" à même de permettre aux personnes à l'étranger d'avoir une accessibilité bien plus simplifiée, rapide et être rassurées avant de se rendre au Maroc.

D'après l'étude dont elle est la co-auteure, le tourisme médical participe à la croissance de l'économie locale, en générant des revenus directs en devises, en développant l'emploi et en dynamisant l'entrepreneuriat. Il est également considéré comme un vecteur d'externalités positives, puisqu'il contribue à l'essor des secteurs associés (pharmaceutique, équipements sanitaires, tourisme local, etc.).

Selon l'Index du tourisme médical (MTI, en anglais), un outil de mesure de l'attractivité des destinations du tourisme médical, le Maroc est classé 31e sur un total de 46 destinations.

Par Hicham Louraoui (MAP)
Le 09/12/2020 à 13h24