Le retailing en crise: les enseignes marocaines demandent aux malls de suspendre leurs loyers

Un mall désert pour cause de pandémie. 

Un mall désert pour cause de pandémie.  . DR

Ce sont plus de 86 enseignes marocaines qui se sont réunies en un collectif baptisé le «groupement des retailers du Maroc» pour faire bloc contre la crise économique qui ravage leur secteur. Elles demandent la suspension de leurs loyers.

Le 06/05/2020 à 20h34

Parmi les secteurs économiques touchés de plein fouet par la crise sanitaire, le retailing, qui compte déjà de premières victimes dans ses rangs.

Dans un communiqué aux allures de cri de détresse, 86 enseignes rendent public leur SOS. Depuis le 18 mars, soit le début du confinement, les commerces ont baissé leur rideau et fermé leur tiroir-caisse. Dans ce communiqué, intitulé «Crise Covid-19: Agir sur les loyers pour sauver le commerce et ses emplois» publié le 4 mai, le collectif décrète que «face à la crise du Covid-19, chaque acteur économique doit partager les efforts de solidarité indispensables. C’est un impératif pour une sortie de crise rapide et bénéfique à toute la chaîne de création de valeur au Maroc».

Parmi ces entreprises en difficulté, de grands noms du retailing… 123, Alain Afflelou, Alpha 55, Au Derby, Azuelos, Bata, Beauty Success, BigDil, Bulgari, Calzedonia, Carol, Celio, City Sport, Clay, Cobra, Courrir, Decathlon, Descamps, Diamantine, Diesel, Dim, DPAM, Etam, Exclusive, Exist, Faces, Flormar, Flour, Gant, Go Sport, Gotcha, I am, Imtissimi, Istikbal, Jacadi, Jack and Jones, Jennyfer, Jules, Keito, Krys Opticiens, La Grande Récré, Lacoste, Le Comptoir des Montres, Le Soldeur, Lee Cooper, Lévis, L’occitane, Lynx Optique, Marwa, MaryPaz, Miniso, Miss Paris, Moxe, Sometime, Step In, Sud Express, Sun Plante Glass, Swatch, Swiss Arabian, Tape à L’œil, Time Road, Tommy Hilfiger, Triumph, Un Jour Ailleurs, Undiz, Urban Jungle, Vanila, Vivas, Xti, Yamamay, Yatout, Yves Rocher…

Des emplois menacés, des stocks d’invendus et des loyers à payer«Le stock d’invendus explose», annoncent les enseignes qui déclarent par ailleurs disposer en temps normal «des ressources nécessaires pour payer leurs employés et préserver l’emploi». Sauf que la normalité n’est pas de mise en cette période de crise sanitaire. Ainsi, au-delà d’une fermeture contrainte, les enseignes se retrouvent confrontées à un autre problème de taille: des propriétaires qui réclament leurs loyers.

«Réclamer de l’argent pour un magasin qui ne peut pas ouvrir? L’idée pourrait sembler étrange et pourtant: c’est exactement ce qui est en train de se dérouler au Maroc!», s'indignent les enseignes concernées, lesquelles se sont regroupées au sein du collectif «le groupement des retailers du Maroc» pour mieux défendre leurs intérêts et faire ainsi pression sur les centres commerciaux qui ne se montrent pas conciliants avec leurs locataires. Il est vrai que ces centres sont également touchés de plein fouet par la crise et continuent d’assurer les charges liées à l’entretien et à la sécurité des lieux.

Pour les retailers, le loyer représente une des charges principales des comptes d’exploitation d'un magasin. «L’équation est simple: comme nous ne voulons pas davantage d’arbitrage contre-productif sur les emplois (l’autre charge principale), il faut que les bailleurs prennent leur part à l’effort collectif réclamé par cette crise via les loyers», déclarent les enseignes.

Malls vs retailers, un bras de fer pas si simple à menerCertains malls ont accepté d’entendre raison et de faire preuve de solidarité, à commencer par le Tanger City Center qui a tout bonnement supprimé les loyers de ses locataires, suivi de près par le Morocco Mall et Anfa Place à Casablanca et enfin, Ryad Square à Rabat.

«Et c’est tout!», regrettent les enseignes en difficulté qui ne veulent pas pour autant blâmer ces centres commerciaux par ailleurs créateurs de nombreux emplois, comprenant parfaitement que «les lourdeurs administratives et la toute puissance du monde financier international empêchent beaucoup de centres commerciaux de faire ce geste indispensable à la survie de l’emploi au Maroc».

Des enjeux vertigineuxConcernant le retail organisé, «les enjeux sont énormes», annonce-t-on. En effet, «contrairement aux grandes surfaces alimentaires qui ont vu leur trafic sensiblement augmenter, les réseaux de boutiques n’ont plus aucune activité depuis le 18 mars. Cela représente plus de 900 commerces fermés et environ 40.000 emplois directs et indirects qui en dépendent. Au-delà de la dimension humaine évidente, ces emplois sont notre savoir-faire, notre clef pour la reprise de l’activité et donc notre avenir. Ces emplois sont notre priorité absolue!», préviennent les enseignes concernées.

Ainsi, c’est en cohérence avec la recommandation n°5 du communiqué de presse du 23 avril 2020 de la Fédération marocaine de la franchise que les enseignes marocaines demandent l’application de deux points en particulier:· « L’annulation des loyers pendant la période de fermeture subie, telle qu'elle est prévue par la loi dans le cas actuel de force majeure». Et de préciser que de manière factuelle, «la contrepartie contractuelle du paiement d’un loyer doit être la jouissance paisible d’un local commercial pouvant recevoir du public. Ceci est impossible à cause des mesures sanitaires prises par les autorités (à juste titre). La contrepartie ne pouvant être honorée, le loyer n’est plus dû». 

· «L’adaptation du loyer au niveau de l’activité réelle à la reprise». Pour les enseignes, il s’agit d’un «impératif de survie». En effet, selon le communiqué du collectif, «le niveau du chiffre d’affaires (CA) à la reprise sera beaucoup plus bas qu’en 2019 (-70% du CA les premiers mois)».

Alors que faire pour limiter les dégâts? «Il faut mettre en place un mécanisme simple d’alignement des loyers sur le CA. Sachant que malgré cet effort, l’année sera déficitaire pour tous les acteurs. Par-delà la principale préoccupation des bailleurs qui devrait être la satisfaction de leurs clients (que nous sommes!), notre pérennité économique est aussi la leur …», explique le collectif en guise d’élément de réponse.

Et de conclure, «ce que nous demandons est possible. La structure capitalistique des bailleurs le permet, sans parler du nombre d’emplois en jeu qui n’est pas comparable. Preuve que cet effort solidaire est réalisable, plusieurs acteurs ont déjà abandonné leurs loyers pendant la fermeture».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 06/05/2020 à 20h34