La chute du cours du pétrole menace le régime algérien

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Avec un baril de pétrole à 70 dollars, l’Algérie aura certainement grand-peine à garder la tête hors de l’eau, avertit le quotidien Le Monde, estimant qu’une baisse à 60 dollars menacerait l’existence même de la fameuse trinité Armée-Etat-Parti unique. Décryptage.

Le 05/12/2014 à 16h09

Un scénario tel que celui des années 80 est-il envisageable en Algérie? Ce scénario revient en tout cas avec insistance au-devant de l’actualité en Algérie, et fait les gros titres de la presse internationale. Dans son édition du jeudi 4 décembre, le quotidien Le Monde a taillé dans le vif et averti qu’une baisse supplémentaire du prix du baril, qui se maintient déjà difficilement au-dessus de 70 dollars, entraînerait systématiquement la fin du régime algérien. Dans un article intitulé «Les grands perdants de la chute du cours du pétrole», le quotidien français a expliqué que l’Algérie comptait beaucoup sur les hydrocarbures, -97% des recettes des exportations-, et ne pouvait plus se permettre ce luxe, au vu de prévisions internationales tablant, pour les mois qui viennent, sur un baril à 60 dollars. Une expectative qui, toujours selon le quotidien Le Monde, refait planer le spectre de l’explosion sociale de 1988, prélude à la tristement célèbre «décennie noire» (années 90). Et ce ne sont surtout pas ces illusoires prévisions du gouvernement Abdelmalek Sellal qui vont sauver les meubles, ou ce qu’il en reste. Tablant sur un baril à 115 dollars dans son projet de loi de Finances au titre de l’année 2015, alors que les recettes du pays avaient fondu de plusieurs dizaines de milliards de dollars et que les prix du baril avaient reculé de 30% au moment de la confection du projet de loi, l’Exécutif n’a maintenant plus de marge de manœuvre, en dehors du recours au fameux Fonds de régulation des recettes (FRC) censé «garantir l’avenir des générations futures». Or, ce Fonds «stratégique», qui servira tout au mieux de «plan de sauvetage» en 2015, ne pourra pas tenir face à un nouveau choc pétrolier. Ce qui risque de compromettre, selon le quotidien Le Monde, l’existence même du régime en place.

Le régime algérien face lui-mêmeMalgré l’assèchement annoncé des caisses publiques, le régime algérien continue d’afficher son légendaire optimisme de façade en distribuant, par-ci par-là, quelques «assurances» lénifiantes. Lesquelles «assurances» risquent d’être démenties à l’occasion de la première toute nouvelle chute des cours de pétrole. Une éventualité qui commence d’ailleurs à faire grincer des dents une presse officieuse désenchantée et un Algérien lambda ayant déjà fort à faire avec le renchérissement de la vie, la progression endémique du chômage, le déficit de logement social… «Le gouvernement n’a pas su anticiper une baisse durable des recettes d’exportation, n’a pas mis le holà aux importations, et a misé à outrance sur les plans de relance budgétivores sans arriver à relancer les secteurs producteurs et les investisseurs créateurs de richesses et d’emploi, en dehors des hydrocarbures», critique le quotidien Al Watan, en mettant en garde contre un «possible retour à terme à l’endettement du pays, voire, selon les spécialistes, le risque d’une cessation de paiement». «Ce qui fragilisera, poursuit-il, la position de l’Algérie et menacera sa stabilité dans une conjoncture géopolitique particulièrement difficile».

Menace sur la trinité armée-Etat-parti uniqueAvec la chute du cours de pétrole, la fameuse trinité Armée-Etat-parti unique risque de revivre un cauchemar similaire à celui de 1988 quand plusieurs milliers de travailleurs entreprennent des grèves explosives. A l’époque, les islamistes du FIS n’existaient pas et il serait erroné de leur faire attribuer la responsabilité de cette lame de fond contestataire. A toutes fins utiles, il faut préciser que cette révolte était l’œuvre de la classe prolétaire et des quartiers pauvres. Pour les spécialistes, cette révolte devait mettre en abyme ce qu’il allait advenir dans les années 90. Un véritable génocide, 200.000 morts! Mais voilà, quatorze ans après, le pouvoir semble ne pas en avoir tiré les conclusions. Autrement dit, il n’a pas su tirer profiter des années fastes de 2000 pour reconstruire une économie restée largement dépendante des recettes pétrolières. Pire encore, il a établi un système rentier sur la base du «Pétrole contre paix sociale». Or, maintenant, ce système risque de crouler comme un château de sable vu cette baisse inexorable du cours de pétrole qui risque d’entraîner, dans son avalanche, les utopies d’un régime suicidaire.

Par Ziad Alami
Le 05/12/2014 à 16h09