Chocolat. Les droits de douane passent de 17,5 à 40%: quel impact sur les chocolatiers marocains?

DR

Dans son projet de loi de finances 2021, le gouvernement propose une hausse des droits d’importation du chocolat et des préparations alimentaires contenant du cacao de 17,5% à 40%. Pour les industriels marocains, cette mesure est salutaire, mais elle est surtout symbolique. Voici pourquoi.

Le 25/10/2020 à 09h01

Trois objectifs sont assignés à cette mesure. Un, faire face à l’accroissement des importations de chocolats. Deux, améliorer la compétitivité des industriels du secteur de la chocolaterie. Trois, accompagner la dynamique d’investissement et de création d’emplois que connaît le secteur.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, explique un responsable à l’Association des biscuitiers, chocolatiers et confiseurs (AB2C), l’augmentation des droits d’importation de 17,5 à 40% aura un impact limité sur le marché marocain du chocolat, dans la mesure où elle s’applique aux seuls produits importés dans le cadre du régime de droit commun. Autrement dit, les importations provenant des pays avec lesquels le Maroc a signé un accord de libre-échange (ALE) ne sont pas concernées, exception faite de l’ALE avec la Turquie dont le champ d’application exclut les denrées agroalimentaires.

«Cette mesure aura un impact minime, étant donné que 80% des importations de produits de chocolat proviennent de l’Union européenne (UE), principalement de l’Italie et l’Espagne», soutient l’AB2C.

Les statistiques de l’Office des changes font état de 14.067 tonnes de chocolats importés en 2019, pour un montant total de 576 millions de dirhams.

Les produits italiens et espagnols se taillent la part du lion, en concentrant à eux seuls le tiers des quantités importées.

Quatre principaux produits sont importés par le Maroc: poudre de cacao, avec addition de sucre ou d'autres édulcorants; chocolats en blocs ou en barres soit à l'état liquide, pâteux ou en poudres; chocolats fourrés, présentés en tablettes ou bâtons; chocolats non fourrés 

Le Maroc compte à son tour une douzaine d’entreprises industrielles opérant dans le secteur de la chocolaterie, dont les principaux acteurs sont Finetti, Kool Food, Pastor, Compagnie chérifienne de Chocolaterie (Aiguebelle), Ebbo, Bigor, et Pralinor. En 2019, la production locale a atteint 15.000 tonnes animant un marché de 620 millions de dirhams (source: AB2C).

Ces chiffres montrent que le chocolat made in Maroc et celui importé font jeu égal. L’augmentation de la tarification douanière devrait se répercuter sur la compétitivité de certains produits, en particulier le chocolat turc (8% des importations). Mais ce n’est pas gagné, prévient cet industriel membre de l’AB2C qui soupçonne les entreprises turques de se livrer à du dumping, aidées par des subventions étatiques. «Certains produits sont vendus au Maroc à des prix inférieurs au coût du sucre en Turquie», a-t-il ajouté.

La compétitivité des produits de chocolat importés des pays de l’UE restera quant à elle intacte. Là encore, l’AB2C met le doigt sur une aberration économique qui tend à fragiliser la compétitivité du produit marocain. En effet, le fait d’infliger des droits de douane sur les intrants de l’industrie marocaine crée un gap de productivité pouvant atteindre jusqu’à 30%, en faveur des importations issues de l’UE.

«Un produit fini importé de l’UE paie moins de droits de douane qu’un produit fabriqué localement», relève-t-on du côté de l’AB2C. Celle-ci ne compte pas rester les bras croisés et se dit prête à défendre jusqu’au bout les intérêts de ses membres. «Nous avons massivement investi ces dernières années et avons la capacité de répondre amplement à la demande nationale», insiste ce membre de l’Association des chocolatiers marocains. Ce dernier nous confie que l’AB2C va bientôt entamer les démarches nécessaires, avec l’appui du ministère de l’Industrie et du commerce, en vue d’imposer des mesures de sauvegarde aux importations des produits de chocolat.

Par Wadie El Mouden
Le 25/10/2020 à 09h01