Cession de Saham Finances: quelle est la part du fisc?

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Les actionnaires de Saham ne sont pas les seuls à être contents du deal conclu avec Sanlam. Le fisc devrait se frotter les mains. Cependant, il est encore difficile d’évaluer les sommes qui tomberont dans l’escarcelle des impôts, tant le flou entoure le volet fiscal de la transaction. Décryptage.

Le 12/03/2018 à 12h51

C’est une opération dont on entendra parler pendant plusieurs mois et qui restera sans doute dans les annales. La cession par le groupe Saham de sa filiale Saham Finances, qui détient entre autres Saham Assurances, est considérée comme le plus grand deal financier de cette dernière décennie. Le montant de la transaction est de 1,05 milliard de dollars. En plus des actionnaires de Saham Group, plusieurs administrations marocaines se frottent déjà les mains. Bank Al Maghrib et l’Office de changes doivent se réjouir de voir autant de devises rentrer au Maroc. Et la Direction générale des impôts (DGI) ne serait pas en reste… Du moins, en principe.

En effet, le flou entoure encore l’aspect fiscal lié à cette opération. Dans sa communication sur le sujet, le management de Saham a insisté sur le fait que l’opération se traduira par «0 plus-value, vu que Saham réinvestit systématiquement ses bénéfices et n’a jamais servi de dividendes». Même si l’ensemble des gains sont réinvestis, cela ne les exonère pas d’imposition. Du moins, pas selon la fiscalité marocaine.

Cherchant à comprendre quel traitement fiscal sera réservé à cette opération, le360 a joint plusieurs experts comptables de la place. Le premier constat est que tous s’abstiennent de répondre d’une manière claire et précise à la question de savoir si des impôts seront exigés sur le 1,05 milliard de dollars générés par l’opération et si oui, à combien ils se monteront. 

Motif: «il faudrait avoir tous les détails de l’opération pour en juger, notamment qui a vendu quoi, à qui et selon quel régime». Mais sur la base des explications qui nous ont été fournies, on peut déjà dresser quelques scénarios.

Scénario basique:Dans sa communication, le management du groupe marocain a été clair sur un point. La cession est effectuée par Saham SA, qui contrôlait encore quelque 53% du capital de Saham Finances. Il a également déclaré en conférence de presse que la transaction se ferait à 100% au Maroc.

Si l’on part de ces informations, et sachant que Saham SA est une holding dont le cœur d’activité est l’achat et la vente de participations, le montant engrangé sur la vente de Saham Finances doit être comptabilisé en produit d’exploitation. L'imposition se fera elle sur la plus-value réalisée dans l'opération et qui constitue actuellement une véritable énigme. En effet, aucune indication n'est donnée par Saham SA sur la valeur d'origine des titres de Saham Finances. Il n'empêche que pour une participation dans une structure aussi importante, et qui date de plusieurs années, on imagine bien que la plus-value réalisée est conséquente, et sera partant soumise à un IS progressif qui, pour rappel, prévoit un taux de 31% sur la tranche supérieure à un million de dirhams, un seuil qui devrait être largement dépassé.

Bien entendu, il faudra tenir compte des charges d’exploitation qu’aura comptabilisées Saham SA durant le même exercice fiscal. Mais compte tenu de l’importance du fruit de la cession, il y a très peu de chance que l’impact fiscal de la cession de Saham Finances soit neutralisé par les charges.

Il reste maintenant à savoir si la transformation en elle-même de la holding en un Fonds d’investissement panafricain, opération qui devrait se dérouler parallèlement à la finalisation de la transaction, peut éviter à Saham de payer une importante somme au titre de l’impôt. A ce niveau, les experts en fiscalité consultés sont unanimes: il n’y a aucun régime spécifique qui le prévoit.

Le scénario logique:Ce que vient de réaliser le groupe Saham à travers cette transaction le place parmi les grands… Et pas seulement au Maroc. Ce n’est en effet pas tous les jours qu’un groupe vend une de ses filiales –ou plutôt 53% du capital de sa filiale– à plus d’un milliard de dollars. Or, dans le monde des affaires, il est bien connu que de pareilles opérations se font souvent à travers des montages financiers et réglementaires complexes qui, sans être illégaux, permettent une parfaite optimisation fiscale.

Partant de ce principe, on voit mal Saham SA réaliser une opération de cession selon un scénario «basique» et qui impliquerait le versement d’une importante somme au fisc. De plus, comme pour annoncer la couleur, Saham SA a claironné partout sa volonté de se servir du milliard de dollars pour la mise de départ dans un Fonds d’investissement panafricain qui sera créé. D’ailleurs, en conférence de presse, le top management de Saham a confirmé que son objectif était de réinjecter «entièrement» le produit de la cession dans le nouveau Fonds. Il a laissé entendre que pour atteindre les objectifs souhaités, il faudrait démarrer avec au moins un milliard de dollars. Il va sans dire donc que l’optimisation fiscale sera à son comble dans l’objectif de conserver le plus d’argent possible. Le fisc laissera-t-il faire?

Par Younès Tantaoui
Le 12/03/2018 à 12h51