Mohamed Saïd Chaïr: parcours exemplaire d'un autodidacte 

Mohamed Said Chaïr.

Mohamed Said Chaïr. . DR

En l'espace d'à peine trois ans, il est passé du statut de peintre du dimanche à celui de valeur montante de la nouvelle peinture figurative marocaine. 

Le 02/04/2019 à 16h16

Printemps 2016. Nous le rencontrons, à son initiative. Jeune homme de vingt-neuf ans, fort sympathique. Travaille en tant que chargé des Relations publiques auprès d'un célèbre hôtel de Tanger, sa ville. Une passion: la peinture. Il nous montre ses travaux. Des natures mortes à la vague inspiration Pop'art. Rollers, bouteille de vin, canette de bière...

Des compositions d'objets hétéroclites, réalisées dans une technique hyperréaliste pas tout à fait maîtrisée. Il y a quelque chose, assurément, mais on sent encore trop l'autodidacte. Les proportions, les volumes, ne sont pas au point.

On en discute. Il est à l'écoute. Il vient de décider d'en faire son métier. Peu de temps après, il abandonne toute autre activité, loue un espace atelier et se retrousse les manches.

Novembre 2018. On le retrouve dans le cadre d'une exposition collective au Comptoir des mines galerie, à Marrakech. Ses œuvres y côtoient celles d'un Hassan Hajjaj ou d'un Moustapha Akrim. Rien que ça! Comment a-t-il fait? "J'ai contacté Hicham Daoudi [le célèbre marchand d'art et galeriste, Ndlr]. Il est venu me voir dans mon atelier et a décidé de me donner ma chance. C'est le premier à l'avoir fait. Je ne l'en remercierai jamais assez.:"

L'exposition collective en question avait pour thème les supers héros. Mohamed Saïd Echaïr décide de garder et de développer cette thématique. Dorénavant, l'ensemble de son travail à venir est placé sous l'intitulé générique d'"Into the Box". En effet, les personnages -dont un assez admirable Superman- exposés, alors, avaient la tête enfouie sous une boîte de carton, percée de trous à la place des yeux.

La formule n'est pas nouvelle, mais qu'à cela ne tienne, il se l'approprie. Elle est désormais sa marque.

En atelier, Mohamed Saïd Chaïr travaille d'arrache-pied. Cent fois sur ton ouvrage, tu reviendras. Il voue une admiration particulière aux œuvres de Lucian Freud. Il se met à bosser l'anatomie. Jadis discipline fondamentale de l'apprentissage du dessin, l'étude du corps humain est aujourd'hui malheureusement trop négligée, y compris dans les écoles d'art. Notre autodidacte s'y colle.

Au lieu du modèle vivant ou en plâtre qu'il ne peut se permettre, des reproductions photographiques. Esquisses, croquis, dessin aux crayons de couleurs. Puis peinture à l'huile. 

Détail amusant: pour parfaire sa connaissance du drapé -autre discipline fondamentale de l'apprentissage plastique académique-, il dessine et peint des femmes en burqa. Certains y verront un acte de dénonciation dont l'artiste se défend : "C'étaient de simples exercices. Aujourd'hui, les étrangers me les demandent. Je ne veux pas entrer dans ce jeu."

Janvier 2018. Christian Sulger, un marchand d'art parisien, invite Chaïr à une résidence privée d'un mois dans la ville-lumière. Sulger a découvert le travail de notre ami au travers d'un catalogue de vente CMOOA (re-merci Hicham Daoudi). Septembre 2019, l'agent français fait participer son poulain à une exposition collective londonienne. 

La Buel Gallery expose, entre autres artistes marocains, Mahi Binebine. Actuellement, Mohamed Saïd Chaïr participe, via la même galerie, à la D Dessin, une foire d'art qui se tient dans le cadre de la Drawing Art Week parisienne.

Pour illustrer un article consacré à l'événement, le prestigieux "Quotidien de l'art" a choisi un dessin polychrome de notre ami, représentant une paire de boxe siglée Chanel. Si ce n'est pas une reconnaissance! La boxe -longtemps pratiquée en amateur par le peintre- est un motif récurrent dans sa production.

Depuis septembre 2018, Mohamed Saïd Chaïr est un habitué du Jardin rouge, la fameuse résidence d'artistes, sise dans la région de Marrakech, à laquelle on a longtemps reproché un manque manifeste d'appétence pour les artistes marocains. 

Chaïr, pour sa part, ne tarit pas d'éloges, et pour la stucture et pour l'intérêt bienveillant qu'il y a rencontré: "j'ai beaucoup profité du regard très professionnel d'Esthelle Guillé, la directrice artistique du Jardin rouge, pour améliorer sensiblement mon traitement de la chair", insiste-t-il. Au vu des derniers résultats, nous sommes bien obligés d'en convenir.

Il est loin, très loin, le peintre amateur que nous avions connu, il y a de cela seulement trois ans. Les personnages -sportifs finissants, à la chair en voie de décomposition -qu'il nous brosse aujourd'hui, avec une admirable maîtrise, sur du papier carton solidifié à la colle blanche- ont une sacrée gueule. 

Qui a dit que l'effort, l'écoute et la persévérance ne payaient pas? Rendez-vous le samedi 20 avril 2019, au Jardin rouge, pour une exposition collective où, nous le savons d'ores et déjà, le nouveau Mohamed Saïd Chaïr épatera la galerie.

Par Jamal Boushaba
Le 02/04/2019 à 16h16