Le Maroc vu par l'écrivaine Maria Kodama, épouse de Jorge Borges

L'écrivaine argentine Maria Kodama, épouse du célèbre Jorge Borges.

L'écrivaine argentine Maria Kodama, épouse du célèbre Jorge Borges. . DR

L’écrivaine argentine Maria Kodama, dont le nom a souvent été associé à celui de son défunt époux le célèbre écrivain Jorge Borges, ne cache pas son admiration pour le Maroc, une terre de diversité culturelle, de tolérance et d’ouverture, mais aussi de convivialité.

Le 06/07/2018 à 13h04

"Je suis passionnée par le Maroc, une terre de tolérance et d'ouverture, et par son peuple généreux. Je garde toujours en mémoire les plus beaux moments que j’y ai passés en compagnie de Borges", ainsi commença Kodama son récit en tant qu’invitée de la rencontre périodique organisée, jeudi, par le Pôle Amérique du Sud de la MAP à Buenos Aires.

Lors de cette rencontre, consacrée à l’expérience littéraire de Maria Kodama à la lumière de la récente sortie de son œuvre "Relatos" (Contes), au monde littéraire de Borges, l'un des géants de la littérature mondiale, ainsi qu'à d’autres sujets liés à la littérature latine contemporaine, l’écrivaine a assuré que "la culture du Maroc et sa civilisation sont très impressionnantes et les Marocains se caractérisent par une générosité et une noblesse que nous trouvons rarement à notre époque".

Pour Kodama, fille du chimiste japonais, Yosaburo Kodama, et de la pianiste aux origines espagnoles et allemandes, María Antonia Schweizer, il est difficile d’oublier sa visite à la ville de Marrakech et à sa célèbre Place Jamaa El Fna, surtout la nuit lorsque les conteurs investissent le lieu et en appellent à l’imagination du public. Ces conteurs ont d’ailleurs impressionné Borges et de nombreux écrivains internationaux, dont l'Espagnol Juan Goytisolo.

A cette occasion, Kodama, qui va d'un bout à l'autre de la planète pour organiser des séminaires traitant de Borges et de son œuvre, s’est arrêtée sur son nouveau livre Relatos, publié aux éditions "Random House" et illustré par le plasticien italien, Alessandro Kokocinski.

Dans ce livre de 157 pages de format moyen, Kodama propose au lecteur un voyage dans l’univers de la repentance, la folie, la culpabilité, la vie, la mort et l'immortalité à travers quatre histoires intitulées "Jugement", "Dinosaure", "Leonor" et "John Hawkhood".

Kodama reconnaît qu’elle est habitée depuis longtemps par cette obsession d'écrire, une passion qui a commencé à l’âge de cinq ans, en soulignant qu’elle continue à aimer l’écriture et prendre part à des séminaires universitaires et intellectuels, même aujourd’hui à l'âge de 81 ans.

Pour l’écrivaine, voyager sur de longues distances par avion lui a offert la possibilité de suivre le fil de la pensée à la recherche d'idées qu'elle couche sur le papier et qu'elle corrige qu'une seule fois, contrairement à Borges, qui revenait au texte plusieurs fois peut-être dans un souci d’atteindre la perfection.

Kodama, dont le nom signifie écho en japonais, a élaboré son propre style d'écriture, bien qu’elle ait vécu aux côtés de l'un des géants de la littérature qui a marqué le monde avec des œuvres immortelles comme Miroirs et labyrinthes, L’Aleph, Le Livre de sable, Éloge de l’ombre et bien d’autres.

Pour cette écrivaine qui maîtrise de nombreuses langues et s'adonne à la traduction, cette discipline est beaucoup plus difficile que l’écriture car le traducteur doit penser dans deux cultures et il doit bien les connaitre pour réussir sa mission.

Kodama admet aussi qu'elle est consciente de la grande responsabilité qui repose sur ses épaules en tant que directrice de l'Institution internationale Jorge Luis Borges, qui a vu le jour en 1988, en relevant que de grands efforts sont consentis pour faire face aux nombreux mensonges et amalgames attribués à tort à Borges.

De son avis, Borges n’a pas été apprécié à sa juste valeur parce qu’il n’a pas eu le droit à un prix Nobel en raison de ses positions qui n’étaient pas au goût de beaucoup, d’autant plus qu’il n’acceptait pas d’argumenter sur le sujet. Elle se rappelle encore le jour où Borges a reçu un appel téléphonique de Stockholm pour le dissuader d'une visite au Chili qui était sous la dictature militaire, mais il répondit d’une phrase dont l’écho résonne encore dans la maison: "ce que nul ne peut accepter est d’être corrompu ou corrupteur", a-t-il dit avant de raccrocher le téléphone.

Borges estimait que le fait de ne pas avoir reçu le prix Nobel a fait de lui une icône immortelle dans le monde de la littérature et un personnage célèbre, alors que s’il l’avait reçu, il aurait été un nom de plus à ajouter sur la liste des récipiendaires du prix Nobel et rien de plus.

S’agissant de l’ère de l’internet et de la technologie et la diversité des médias, Kodama estime qu’elle a beaucoup d'avantages, en jugeant toutefois qu'elle a aussi apporté son lot de flou et de confusion pour le lecteur et ouvert la voie à un flux de fausses informations dans divers domaines, dont la littérature.

Elle estime que le livre doit retrouver sa place naturelle auprès des lecteurs, notamment la jeune génération accro à l’utilisation des tablettes et des téléphones mobiles, une situation qui a contribué, selon Kodama, à la baisse de la capacité à communiquer et à l'appauvrissement du vocabulaire des enfants et des jeunes.

Pour Kodama, il est impératif de sauver l'intelligence de l'humanité, de corriger le déséquilibre et de revenir à la lecture et au livre, le meilleur ami de l'homme à tout moment et en tout lieu.

Ce rendez-vous s'inscrit dans le cadre des rencontres périodiques lancées par le pôle Amérique du Sud de la MAP en vue de créer un espace pour débattre de différentes questions d’actualité locale, régionale et internationale.

Le pôle Amérique du Sud de la MAP, dont le siège se trouve à Buenos Aires, œuvre à organiser des rencontres périodiques en présence de médias locaux et internationaux, avec des personnalités de différentes factures pour mettre en lumière des questions d’actualité et d’autres intéressant différents aspects des relations entre le Maroc et l’Amérique latine.

Le 06/07/2018 à 13h04