Y a bon mouton, y a bon discours…

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ChroniqueComme ce «sacrifice» dicté et recommandé par notre sainte religion n’arrive qu’une fois par an, cela permet au moins à une bonne partie de la population marocaine - je n’ai pas écrit «peuple marocain» pour ne pas être pris pour un politique en campagne électorale - de manger de la viande.

Le 20/09/2016 à 10h59

Ne voyez dans ce titre cornu et biscornu aucune allusion raciste ou autre. Ce choix sémantique vaguement syntaxique doit être mis sur les seuls comptes de la dérision et de la satire. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne veut rien dire. Bien au contraire. Je vais essayer de vous développer mon idée. Il y a à peine une semaine, nous avons célébré, du moins pour ceux et celles qui l’ont fait, la «grande fête» qui consiste à égorger, les uns un agneau, les autres un veau ou un chevreau, et d’autres encore, qui sait, peut-être, même un chameau. 

Or, comme ce «sacrifice» dicté et recommandé par notre sainte religion n’arrive, et heureusement d’ailleurs, qu’une fois par an, cela permet au moins à une bonne partie de la population marocaine - je n’ai pas écrit «peuple marocain» pour ne pas être pris pour un politique en campagne électorale - de manger enfin de la viande.

Je sais que je ne vous apprends rien, mais je voulais quand même rappeler que cette occasion quasi exceptionnelle pousse nos carnivores occasionnels à ingurgiter un maximum de viande dans un minimum de temps.

Cela est dû, je pense, à l’effet de manque qui dure parfois toute une année et en même temps le temps très court qui est imparti à cette mission de remplissage. Je ne sais pas si vous le savez, mais beaucoup de corps de métiers – les maçons, les pêcheurs, les peintres, les mécaniciens, les tôliers, les plombiers et bien d’autres, sans oublier nos chers amis les épiciers de quartiers – profitent de cette fête pour prendre leur congé annuel qu’ils consacrent souvent à déguster en famille jusqu’au dernier osselet leur cher mouton ou assimilé. Bref, c’est la grande bouffe pour tous et pour toutes.

Vous allez me dire que tout cela n’est pas nouveau et que ce sujet – le sacrifice du mouton - ne mérite pas qu’on lui dédie toute une chronique encore moins satirique. Vous avez raison mais juste en partie, parce que je n’ai pas encore entamé la 2e partie de mon billet et qui concerne, justement, le 2e volet de mon titre, à savoir le discours et plus exactement Les discours. En effet les hasards du calendrier ont fait que la campagne électorale a démarré presque juste après l’Aïd, avec son lot déferlant de parlotte sans fond et de promesses sans fin.

Personnellement, je m’étais promis depuis bien longtemps de ne pas toucher à la viande de mouton, essentiellement par souci de santé et de ligne abdominale, et de ne pas tendre la moindre oreille aux discours politiques qui n’allaient pas manquer de nous tomber dessus à voix raccourcies. Mais je me suis retrouvé à la fois à me goinfrer de brochettes, de tripes, de gigot et de côtelettes, et à écouter tous les discours souvent longs et toujours creux des candidats et candidates et toutes leurs sornettes.

En fait, je n’ai pas trop le choix. Comme je suis très attaché à ma famille et, par la force des choses, également à mes belles-familles, je suis dans l’obligation, pour faire plaisir à tout ce beau monde, d’accepter toutes leurs invitations, ce qui m’oblige forcément à supporter inévitablement le diktat de leurs télévisions. Depuis quelques jours, il n’y pas un jour où je ne suis pas invité chez quelqu’un qui m’aime bien ou qui me veut du bien et qui me fait subir la double torture bouffe-discours. C’est horrible!

J’ai bien peur que cette surdose de mets et de mots ne réveille chez moi une vieille gastrite que d’ailleurs j’avais mis un temps et un fric fous à traiter et à guérir. Le drame, c’est que non seulement les congélateurs de mes proches sont encore archibondés de sacs pleins de cholestérol en chair et en os, mais aussi qu’il y a encore plus de 2 semaines encore de campagne où la démagogie est reine et le populisme roi. Pauvre de moi !

Mais que voulez-vous? C’est le tribut à payer à notre démocratie qu’on n’arrête pas de construire, mais dont on n’arrive pas encore à obtenir le permis d’habiter.

En attendant, on va continuer de bouffer sans compter et de se laisser dévorer le cerveau sans rouspéter. Et après tout cela, il va falloir choisir et allez voter.

Vous, je ne sais pas, mais moi je pense que je vais d’abord attendre de bien digérer avant d’aller… roter.

Vraiment, vivement une diète totale et un silence complet et vivement mardi prochain.

Par Mohamed Laroussi
Le 20/09/2016 à 10h59