Pour que tu m’aimes encore...

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ChroniqueDurant près de deux semaines, nous avons aimé notre pays et nous lui avons fait, tous et toutes en chœur, l'une des plus belles déclarations qu’il n’ait jamais entendues. Et justement, personne ne nous a donné l’ordre de le faire ni ne nous a montré comment le faire.

Le 31/01/2017 à 12h52

Le verbe aimer ne se conjugue pas à l’impératif. Oui, je sais qu’on peut le faire, mais ça n’a aucun ton ni aucun sens. Voyez vous-mêmes: "Aime, aimons, aimez!". C’est ridicule et c’est absurde. Parce que l’amour ne se commande pas et ne se décrète pas. On n’aime ou on n’aime pas, mais on ne peut pas donner un ordre d’aimer, comme d'ailleurs de ne pas aimer.

Si j’ai décidé de vous parler cette semaine d’amour, ce n’est pas parce que nous sommes en hiver et que c’est une saison propice au romantisme et aux câlins, ni parce que nous sommes à quelques jours de la Saint-Valentin, mais tout simplement parce que nous venons de vivre, tous et toutes ensemble, une grande et belle histoire d’amour.

Durant près de deux semaines, nous avons aimé notre pays et nous lui avons fait, tous et toutes en choeur, l'une des plus belles déclarations qu’il n’ait jamais entendues. Et justement, personne ne nous a donné l’ordre de le faire ni ne nous a montré comment le faire.

C’était, bien sûr, à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations où l’équipe qui représente le Maroc et, donc, qui nous représente, nous les Marocains et les Marocaines, a fait un bon retour et il faut bien le dire, une belle sortie même si nous aurions préféré un meilleur sort. Mais, comme disent les fatalistes et les réalistes:"C'est ça le sport!".

Si des milliers; ou peut-être des millions, de nos compatriotes ont fêté comme ils se doit, partout à travers le pays, les deux victoires de notre équipe, ils ont été presque aussi nombreux à être déçus et tristes après cette malheureuse défaite de dimanche soir. Mais je ne pense pas que leur amour s’est éteint dès que l’arbitre a sifflé la fin du match. Je suis sûr qu’ils ont continué d’aimer cette équipe et, à travers elle, le Maroc qu’ils aiment sans réserve, sans limites et parfois même sans retenue.

Cette histoire m’a fait rappeler une anecdote que j’ai vécue du temps où je bossais dans la com, et plus précisément durant la période du fameux gouvernement d'alternance. J'avais été sollicité avec quatre autres confrères et consoeurs par le ministre de la Communication de l’époque et néanmoins toujours ami -et que je salue au passage- pour concevoir une campagne dite “d’intérêt général” ayant comme objectif, tenez-vous bien, “de faire aimer le Maroc aux Marocains”. Le brief était en gros le suivant: les Marocains et les Marocaines n’aiment pas leur pays et il faut pondre une campagne de pub pour les pousser à l’aimer ou, si vous préférez, pour les convaincre de l’aimer. Je vous jure que c’est presque ça.

La demande m’avait paru sur le coup insolite pour ne pas dire saugrenue, mais c’est mon boulot, je devais y réfléchir et revenir plus tard avec des propositions.

Dès mon retour à mon bureau, je me suis aussitôt mis au boulot avec mon équipe durant, je crois, deux semaines seulement car, nous avait-on précisé, “il y a urgence”. Eh bien, chers amis et chères amies, je puis dire que je n’y étais pas allé de main morte et j’ai été le seul à avoir présenté une stratégie fondée sur une critique en bonne et due forme, à la fois du brief du ministère et des objectifs qui lui étaient sous-jacents.

En résumé, j’ai non seulement nié catégoriquement ce soi-disant désamour, mais j’ai aussi démontré que l’amour d’une nation ne se commande pas, et encore moins à des gens qui n’ont pas parfois l’envie d’aimer, pour mille et une raisons, et surtout à qui on fait le procès injuste et injustifié de “détester” leur pays .

Et j’avais donné comme preuve irréfutable, justement, la joie indescriptible qu’avaient exprimée, dans toutes nos villes et toutes nos campagnes, quelques jours à peine avant ladite présentation, suite à une autre grande victoire de notre équipe nationale de football. Bien entendu, ce n’était pas la même que celle d’aujourd’hui, mais c’est toujours celle de notre pays. Comme quoi, les époques changent, mais l’amour reste, l’amour de son pays comme l’amour tout court du reste.

Je crois qu’il est inutile de vous préciser que ce n’est pas mon agence qui avait été choisie. Mais je l’appréhendais un peu parce que je savais que nos gouvernants n’aiment pas ceux qui leur disent qu’ils n’ont pas toujours raison et préfèrent ceux qui leur chantent qu’ils sont des génies, même s’ils ne font que des bêtises.

Voilà, mon histoire est terminée. En fait, je ne voulais pas vous raconter d’histoire, mais juste vous donner, même si personne ne me l’a demandé, mon avis sur l’amour et sur ceux et celles qui aiment sans bon de commande et sans télécommande.

Pour finir, je ne vais pas vous lancer, comme un certain Messie: "Aimez-vous les uns les autres". Je vais me contenter de vous dire vivement un peu plus de coeur à l’ouvrage aux défis de l’avenir! Et vivement mardi prochain!

Par Mohamed Laroussi
Le 31/01/2017 à 12h52