Le futur Premier ministre, c’est moi…

DR

ChroniqueOui, c’est une rumeur que je lance, et je ne suis pas le premier à le faire. Il y en a eu une qui a été lancée et relayée par les médias pas plus tard que la semaine dernière. Mais la différence entre la mienne et l’autre, c’est que ma rumeur à moi, c’est moi qui l’ai sortie.

Le 09/08/2016 à 11h00

Non, je ne plaisante pas. Je suis vraiment sérieux: je suis le futur Premier ministre et donc le futur Chef du gouvernement. C’est comme ça qu’on l’appelle maintenant, je veux dire depuis pas très longtemps. En effet, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution, le Premier ministre n’est pas seulement le premier des ministres, il est, en plus, leur chef, leur patron, quoi. Ce n’est pas pareil. C’est comme le capitaine d’équipe dans le foot. C’est un joueur comme les autres, qui ne joue pas forcément mieux que les autres, mais à la différence des autres, c’est lui qui leur dit ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Du moins en théorie. Dans la pratique, c’est souvent autre chose… Sauf, quand on s’appelle Ronaldo. Et là, même l’entraîneur et parfois le président de l’équipe lui-même n’ont pas leur mot à dire.

Bref, il faut être un très bon joueur et être très expérimenté pour mériter le titre de capitaine d’équipe de foot ou de n’importe quel autre sport d’ailleurs. Par contre, en politique, et surtout dans notre pays, c’est très différent: on peut devenir du jour au lendemain Premier ministre et donc Chef du gouvernement juste parce qu’on est chef de parti. Oui, il faut peut-être aussi que ce parti arrive en tête en élections, mais je crois que ce n’est pas une obligation absolue. Vous savez, je ne connais pas par cœur la nouvelle constitution, ni l’ancienne non plus d’ailleurs. D’ailleurs, je ne sais pas si, même si je ne suis pas chef de parti, ni même si je ne suis dans aucun parti, je peux quand même devenir Premier ministre et donc Chef du gouvernement. On me souffle à l’oreille que ce n’est pas un problème parce qu’on pourrait toujours, et même à la dernière minute me mettre dans un parti, et même devenir le chef de ce parti… ou pas… et accéder ainsi à la Primature. Tout cela pour vous dire que j’ai encore toutes mes chances de devenir Premier ministre et donc Chef de gouvernement.

Cela dit, je sais qu’il faut d’abord qu’on veuille bien de moi comme chef. Et pourquoi pas? Pourquoi d’autres et pourquoi pas moi? Je ne suis ni moins futé ni plus tordu qu’eux. C’est vrai, je ne sais pas trop parler au peuple, et surtout lui dire ce qu’il aime bien entendre comme, par exemple, qu’il faut instaurer la gratuité de tous les produits de première nécessité, qu’il faut augmenter indéfiniment le SMIG, qu’il faut baisser progressivement l’âge de la retraite, qu’il faut payer tous les chômeurs à ne rien faire, qu’il faut recruter tous les diplômés même les bras les plus cassés, qu’il faut obliger tous les patrons à accorder trois mois de congés payés à tout leur personnel, y compris aux stagiaires et aux saisonniers, qu’il faut s’engager à engager systématiquement leurs enfants fussent-ils des voyous ou des mongoliens, qu’il faut payer un double-salaire à tous les grévistes et leur rembourser tous leurs frais de fabrication de banderoles ou tout autre type de porte-slogans etc. etc. etc., bref, répéter à satiété tous ces slogans qui font tant plaisir à ceux qui les entendent et qui ne coûtent rien à ceux qui les expriment. Justement, moi j’ai ce problème: je ne sais pas dire tout ça, et j’ai plus tendance à dire le contraire.

Mais, malgré cela, je vais devenir Premier ministre, et donc Chef du gouvernement. Oui, c’est une rumeur que je lance, et je ne suis pas le premier à le faire. Il y en a eu une qui a été lancée et relayée par les médias pas plus tard que la semaine dernière. Mais la différence entre la mienne et l’autre, c’est que ma rumeur à moi, c’est moi qui l’ai sortie. Ce qui veut dire qu’il n’y a personne derrière moi, ni devant moi. C’est moi et moi seul. Je suis le seul à avoir un intérêt à la sortir. Et en plus, qu’est-ce que je perds? Bien au contraire, j’ai tout à gagner.

Enfin, peut-être pas tout, mais au moins un peu de gloire ne serait-ce que juste le temps qu’il y ait un démenti. D’ailleurs, je ne sais même pas qui va démentir. En tout cas, pas moi. Moi, je vais faire celui qui n’est au courant de rien mais qui aimerait bien… Peut-être, qui sait, après réflexion, quelqu’un, quelque part, trouverait finalement l’idée pas bête du tout et décide de me confirmer à cette place. Mais, de grâce, mais pas pour tout le temps, juste le temps que tous ceux qui ne m’aiment pas en meurent de jalousie, et le temps de faire un selfie et je reprends mon boulot normal, à savoir celui de raconter n’importe quoi et me moquer de tout le monde et surtout de ceux qui nous gouvernent et que, personnellement, je n’ai pas choisis. Comme disait le grand Coluche, «Je ferai aimablement remarquer aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n’est pas moi qui ai commencé».

Maintenant, pour finir, j’aimerais dire vivement un Chef de gouvernement qui nous fasse rire sans se moquer de nous et vivement mardi prochain.

Par Mohamed Laroussi
Le 09/08/2016 à 11h00