Ah, si Ronaldo était notre chef de gouvernement…

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ChroniqueCe titre n’est pas un simple artifice opportuniste et circonstanciel pour attirer votre attention ou pour faire le buzz. Pour être honnête, je dois dire que ce n'est pas seulement pour ces deux raisons.

Le 12/07/2016 à 11h04

En fait, l’idée que Ronaldo, déjà superstar, devienne le patron de notre gouvernement, m’est venue alors que je suivais le match désormais historique entre la France, qui a été notre mère nourricière, et qui l’est toujours un peu, et le Portugal qui est presque rien du tout pour nous, même s’il est juste au-dessus de nous.

Ne me demandez pas pourquoi j’ai regardé ce match alors que je ne rate pas une seule occasion pour vous répéter que le foot n’est pas ma tasse de thé, parce que je serai obligé de vous répondre que si je l’ai fait ce n’est que pour des raisons purement anthropologiques. Oui, Monsieur, oui, Madame : ANTHROPOLOGIQUES !

Vous savez, l’anthropologie cette science qui rassemble l’ensemble des sciences qui étudient l’homme dans ses différentes dimensions. Et justement, je me suis toujours intéressé à l’homme, et bien sûr à la femme aussi, dans ses «différentes dimensions». Bien entendu, le terme «dimension» ne doit pas être pris ici dans son sens primaire – longueur, largeur, hauteur, épaisseur, etc. – mais plutôt dans sa dimension, disons… euh… scientifique… anthropologique, quoi ! Pour être plus concret, je vais vous raconter comment j’ai suivi cette rencontre et ce que j’en ai déduit.

Ce qui m’a poussé à entamer cette étude, c’est d’abord l’engouement extraordinaire pour ce match que j’ai constaté dans la plupart des réseaux sociaux et parmi la grande majorité de mes connaissances. Il est vrai que j’ai toujours remarqué chez mes concitoyens, qu’ils soient analphabètes, intellos, riches, pauvres ou moyens, une passion et un enthousiasme démesurés, mais là, ça dépassait toutes les limites.

La première chose qui m’a intriguée, c’est le parti-pris, a priori par une bonne partie des supporters, pour les Portugais. Oui, c’est vrai que les Marocains ont toujours eu une attitude ambiguë envers la France et les Français: un coup, on ne les aime pas parce qu’ils sont arrogants, gueulards, râleurs, et j’en passe et des meilleurs, et un coup, on les idolâtre, on prie et on supplie pour qu’ils nous laissent aller chez eux. Bref, c’est un peu comme la chanson «Je t’aime, moi non plus». On ne sait jamais si le couple qui chante est heureux ou s’il souffre.

Mais qu’est-ce que je raconte? Je crois que j’ai dérapé… Ah oui ! Je parlais de cet amour subit et inédit pour les Portugais. Alors, justement, la première vérité que j’ai déduit, et avant même le début de cette finale, est celle-ci: les Marocains et les Marocaines qui soutiennent l’équipe du Portugal, ne supportent en réalité qu’un et un seul de ses joueurs: Ronaldo. Et vous savez pourquoi? Parce que non seulement c’est un des meilleurs joueurs du Monde, sinon le meilleur, mais parce qu’il joue au Real de Madrid qui est, jusqu’à nouvel ordre, une équipe espagnole ! Je sais que c’est une lapalissade, mais il se trouve que l’anti-footeux chronique que je suis et que j’ai toujours été, ne pouvait jamais imaginer qu’il y ait une telle transposition si insolite et si étonnante.

Maintenant, admettons l’équation : Ronaldo = Real Madrid = Portugal = même combat. Mais le problème c’est que Ronaldo a connu un début de match houleux et douloureux qui lui a valu de jeter très vite l’éponge et son brassard avec et se retrouver sur la touche, les larmes aux yeux et le papillon au front.

J’ai compati avec lui aussi hypocritement que le commentateur français de la chaîne que je regardais, et puis je me suis dit que Ronaldo dehors, logiquement, il n’y avait plus de raisons pour les fans du Real de continuer d’applaudir les Portugais, et qu’ils vont changer aussitôt de camp.

Eh bien, non, j’avais encore une fois tout faux. Il m’a suffi juste de regarder les amis avec qui je suivais le match chez un de mes proches pour piger et me persuader que, blessé ou pas, Ronaldo reste toujours le maître à bord. En effet, tout en continuant de chialer de douleur et de dépit, c’est lui seul qui dirigeait ses coéquipiers avec une jambe boiteuse, mais d’une main de maître. Le pauvre Fernando Santos, tout entraîneur officiel et costumé de l’équipe nationale portugaise qu’il était, ne pouvait que s’écraser devant le beau Ronaldo à la coupe gominée et stable, mais aux gestes sûrs et incontestables, et que d’ailleurs personne n’osait contester.

Un vrai patron! D’où, d’ailleurs, mon titre plus haut. Franchement, vous n’aimeriez pas que nous ayons un jour au Maroc, un bonhomme avec une telle force, un tel talent, une telle poigne, une telle pêche, un tel charisme et, tant qu’à faire, un tel charme, qui dirige notre gouvernement! Je vous jure que si jamais ça arrive un jour - rêvons un peu – je vais non seulement arrêter de taper sur le foot et sur ceux qui en abusent ou en profitent, mais je m’engage même, moi qui ai toujours crié que le sport, c’est l’opium du peuple, à porter un tee-shirt dans la rue avec l’inscription: «Je kiffe le foot, je kiffe notre gouvernement».

Mais en attendant, et comme tout cela n’est pas pour demain, je vais me contenter de vous dire vivement des ministres vraiment supportables et vivement mardi prochain.

Par Mohamed Laroussi
Le 12/07/2016 à 11h04