Par ici la baballe: on ne s’en foot plus!

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniquePartout dans le monde, les yeux horrifiés, rivés sur leur petit écran, nombreux sont les hommes qui ont bien du mal à accepter l’idée d’un ballon rond qui roule sous les pieds de femmes. Manquerait plus qu’on leur demande de nous ramener un bol de chips et une bière.

Le 30/06/2019 à 11h47

La coupe du monde de football féminin organisée en France bat son plein et partout dans le monde, les yeux horrifiés, rivés sur leur petit écran, nombreux sont les hommes qui ont bien du mal à accepter l’idée d’un ballon rond qui roule sous les pieds de femmes.

Manquerait plus qu’on leur demande de nous ramener un bol de chips et une bière pendant qu’on regarde le match entre copines.

Pour cristalliser les tensions sexuelles qui entourent cette coupe du monde, on a pu compter sur le mauvais goût habituel de Charlie Hebdo qui nous a gratifiés d’une couverture façon «l’origine du monde» de Gustave Courbet, avec pour gros titre «Coupe du monde féminine, on va en bouffer pendant un mois». 

Certains y voient un dessin sexiste, et d’autres, au contraire, une critique du sexisme qui entache ce sport. Une chose est sûre, cette couverture met in fine droit dans le mille car quand on parle football féminin, on n’est incapable de parler uniquement du sport en soi. On éprouve ce besoin irrépressible de déraper irrésistiblement vers le sexe, le genre. 

Pour preuve, sur les plateaux télévisés comme dans les salons, les cafés et les bars, chroniqueurs et supporters ont bien du mal à garder leur sérieux et leur calme. Et Alain Finkielkraut, philosophe, essayiste, écrivain, de se faire le porte-voix du mal-être des hommes: «ce n'est pas comme ça que j'ai envie de voir des femmes!»

«Je ne suis pas sexiste, je ne suis pas misogyne, mais j’ai mal à mon foot!», commente de son côté ce youtubeur au risque, dit-il, de se «prendre un tampax dans la gueule».

Et pourquoi précise-t-on coupe du monde de football «féminin»? Après tout, on ne parle jamais de coupe du monde de football «masculin». «C’est donc qu’il s’agit bien de deux sports différents», conclut-on alors, satisfaits d’avoir trouvé une réponse adéquate au malaise créé par ces femmes qui ont investi ce terrain masculin.

Et puis c’est quoi ces scores? 13- 0 pour le match Etats-Unis/Thaïlande! Jamais on n’a vu de scores pareils dans une coupe du monde. Non les filles, allez-vous rhabiller… On vous aime, on aime les femmes, on n’est pas sexistes, mais le foot, c’est un sport de mec, point barre.

Au Maroc, la coupe du monde de football féminin, on regarde ça de loin, de très très loin, un sourire en coin. 

Chez nous, on est trop occupés à regarder la CAN et à commenter entre deux matchs le harcèlement sexuel dont ont été victimes les supportrices marocaines parties en Egypte soutenir l’équipe nationale.

Pour nous, l’enjeu est donc sur le terrain, mais aussi dans la rue avec deux camps qui s’affrontent. D’un côté, l’équipe des «elles l’ont bien cherché. Où qu’elles aillent les Marocaines nous foutent la honte avec leur comportement aguicheur». De l’autre, l’équipe des «comment ces Egyptiens osent-ils harceler nos sœurs!», comme si le harcèlement dans l’espace public était un concept inconnu sous nos cieux.

Laissez-nous rire…

Par Zineb Ibnouzahir
Le 30/06/2019 à 11h47