Dites-moi pas que c’est pas vrai!

DR

ChroniqueIl faut bien l’avouer, si le Maroc a Jamel Debbouze pour le faire rire, en Algérie, on n’a pas besoin de comiques pour ça, ni d’ailleurs d’organiser de spectacles d’humour pour divertir le peuple, les médias officiels s’en chargent très bien tout seuls.

Le 01/05/2022 à 13h47

Ainsi donc la ville de Tlemcen n’aurait en aucun cas été influencée par le Maroc, Tarik Ibn Ziyad est de sources sûres algérien, le shour marocain serait à l’origine des mauvais scores des Fennecs à la CAN, et enfin, cerise sur le couscous (algérien lui aussi), Jamel Debbouze et Faouzi Lakjaâ sont les artisans de la non-qualification de l’équipe algérienne de football à la Coupe du monde…

En Algérie, ce type d’affirmations ubuesques sont annoncées à la télévision, lors de talk show, de débats on ne peut plus sérieux. Et une fois ainsi médiatisées sur des chaînes officielles, il faut croire qu’elles deviennent des vérités pour un grand nombre d’internautes algériens qui se lancent alors dans une guerre grotesque sur les réseaux sociaux contre les nouveaux ennemis désignés par le pouvoir en place.

Cette chasse aux sorcières s’attaque au Maroc, principale cible de ce conflit qui a vraisemblablement pour mission de faire oublier au peuple algérien ses vrais problèmes, mais aussi à ceux qui oseraient dire le contraire. De la directrice marketing d’Air Algérie, limogée pour avoir osé publier un post vantant la beauté de l’architecture maroco-andalouse de Tlemcen, au réalisateur de la série Fath El Andalous qui en a pris pour son grade pour avoir mis en avant les origines marocaines de Tarik Ibn Ziyad…

La haine viscérale qui ronge le régime algérien et ses adeptes se mue en fureur aveugle dès lors qu’il s’agit de football, ce sport qui a vraisemblablement pour véritable vocation de fédérer le peuple et de le détourner de ses vrais problèmes. Critiquer l’attitude de mauvaise perdante de l’Algérie en matière de football est un sacrilège, littéralement un crime de lèse-majesté à l’encontre du pouvoir en place. Lilian Thuram, l’ancien joueur international français, vient d’en faire les frais en se faisant traiter à plusieurs reprises dans un média officiel algérien de «Bamboula», celui-ci ayant déclaré que «quand la défaite s’impose, on la conçoit avec sportivité et la vie continue» et avoir soulevé une interrogation somme toute logique, «comme annuler la victoire d’un pays, légalement obtenue, pour un seul pays pleurnichard?». On en parle, de l’Italie absente pour la deuxième fois consécutive de la Coupe du monde, et qu’on n’entend pourtant pas moufter?

Que dire de la théorie complotiste qui vise cette fois-ci Jamel Debbouze, si ce n’est qu’elle est la preuve que le régime algérien et ses porte-voix sont bien décidés à éradiquer tout ce qui les relie au Maroc, quitte à salir l’image des artisans du rapprochement entre les deux pays voisins, à l’instar de l’organisateur du Marrakech du Rire qui, faut-il le rappeler, a fait découvrir bon nombre de talents algériens/franco-algériens, et les invite d’ailleurs à se produire sur la scène de son évènement chaque année à Marrakech?

Mais il faut bien l’avouer, si le Maroc a Jamel Debbouze pour le faire rire, en Algérie, on n’a pas besoin de comiques pour ça, ni d’ailleurs d’organiser de spectacles d’humour pour divertir le peuple, les médias officiels s’en chargent très bien tout seuls. Au Maroc, on compte d’ailleurs pas mal de téléspectateurs fidèles à la télévision algérienne. On la regarde comme on regarde une émission de vidéo gags ou un grand bêtisier, et on s’esclaffe dès que le Maroc est cité, c'est-à-dire à peu près tous les jours. Grâce aux médias de notre cher voisin, on se découvre des émeutes, des pénuries, des coups d’Etat à venir, des problèmes à n’en plus finir… Ça nous fait sursauter sur le moment, on se dit «merde j’ai raté un épisode?», et puis on se reconnecte à notre réalité marocaine en buvant un bon verre de lait bien frais ou en faisant un petit tour sur la plage, le soir au moment du ftour, comme hier soir…

Il faisait chaud, il faisait bon, et sur la plage, des groupes de gens de tous les âges étaient là, attablés par vingtaines, éclairés par des petites lampes, comme dans une immense guinguette, dansant et chantant en chœur dans la nuit noire, sur des rythmes de darbouka, des airs du Raja et des chansons populaires. Il se dégageait de cette scène en bord de mer une joie de vivre incroyable. C’était l’un de ces moments que l’on apprécie particulièrement, l’un de ces souvenirs qui quand on vit à l’étranger nous rend nostalgiques de notre pays, l’un de ces instants fugaces mais bien présents qui nous rappelle les raisons de notre attachement à ce pays où il fait bon vivre.

C’est tout le mal que l’on souhaite à nos voisins, jouir d’instants tels que ceux-ci. Et en attendant ce jour-là, la caravane passe, toujours aussi stoïque sous les aboiements.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 01/05/2022 à 13h47