Les femmes ne sont pas des objets

Michel Teuler

ChroniqueJe me vêts comme je veux, encore heureux.

Le 09/05/2019 à 12h02

Exit chaâbane et ses traditionnelles folies -toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, j’en ai fait l’expérience, je ne le regrette pas.

Bienvenue à ce mois de ramadan 2019.

Heu non, pardon. Mille quatre cent… Combien, déjà? Oups, encore oublié cet an de grâce là.

Scène banale de mon quotidien casablancais.

C’est décoiffée, chaussée de sandales, d’un pantalon et d’un haut à bretelles, que j’ai décidé en ce mois béni, voici deux jours, de descendre la poubelle en fin de journée, pour aller la jeter dans la benne à ordures à proximité de la maison.

Un geste a priori anodin, que j’accomplis quotidiennement.

Deux jeunes hommes passaient par là.

Je me suis fait huer, en français : «on jeûne, couvre-toi!»

Avec mon sac poubelle, ils m’ont regardée comme si j’étais un appel au vice, à la luxure.

Avec mon sac poubelle, je leur ai semblé, tel un mirage, être une créature lascive, prête à leur abandonner mes charmes.

D’un geste suggestif, j’ai jeté le sac poubelle dans la benne.

Heu, non. En fait, j’ai brutalement jeté le sac poubelle dans la benne, leur ai servi deux doigts d’honneur et les ai traités du nom d’un animal de bât, pauvre bouc émissaire des Marocain.e.s en colère.

Désolée pour les ânes, les vrais, nous vous faisons là une énorme injustice.

Je suis ensuite rentrée, à grands pas furieux, dix mètres plus loin, chez moi.

Hors de moi, comme il se doit.

Car bafouée dans ma simple humanité.

Ma simple liberté d’être comme je l’entends.

Jeunes hommes, vous jeûnez?

Cela vous regarde, vous et votre foi.

Vous m’expliquerez à l’occasion le lien de causalité que vous effectuez entre la faim qui tenaille vos entrailles et ma tenue.

La semaine prochaine, de grandes chaleurs sont annoncées sur le Maroc, je ne vais pas me couvrir et suffoquer de chaleur pour faire du bien à vos instincts libidineux.

C’est pourtant si simple: ne me regardez pas, baissez chastement vos yeux.

Vivez votre foi, la pratique de celle-ci, en votre for intérieur. 

Je n’ai pas à subir vos humeurs, encore moins votre attirance pour «cette chose» à laquelle vous ne pouvez succomber alors que vous jeûnez.

Il est temps, plus que temps pour vous de vous réveiller, de vous rendre compte que nous vivons au XXIe siècle, que l’humanité a évolué, que les femmes ne sont pas des objets et forment la moitié, en nombre, de toutes les sociétés humaines.

Qu’un processus de développement réussi et harmonieux ne saurait s’accomplir sans cette indispensable moitié. 

Il est temps aussi pour vous de vous rendre compte que l’éducation, la culture, est la seule, l’unique voie pour vous, de vous sortir de la fange dans laquelle vous vous roulez, prisonniers de vos bas instincts.

Bref.

Je me vêts comme je veux, encore heureux.

Allez lire, andouilles.

Musclez ce truc spongieux qui vous sert de cerveau, dans lequel deux tous petits neurones se battent en duel, l’un en-dessous de la ceinture, l’autre en direction de l’estomac.

Vous avez de la chance, j’aurais pu vous traiter d’andouillettes. Mais je suis décidément trop bonne.

Par Mouna Lahrech
Le 09/05/2019 à 12h02