La démocratie n’est pas une technique

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ChroniqueUn parti qui comporte en son sein des hommes qui croient que la femme est inférieure à l’homme, certains ne cachant pas leur polygamie, d’autres font des prêches inquiétants, est loin de la démocratie. Le discours du PJD, analysé objectivement, contredit les fondements essentiels de la démocratie.

Le 10/10/2016 à 11h08

Les islamistes ont crié victoire et leur leader a même dit: «C’est une victoire de la démocratie». Il va falloir lui rappeler que la démocratie n’est pas une technique, un petit tour de passe-passe électoral. La démocratie ce n’est pas uniquement des urnes qui désignent des représentants du peuple. Encore faut-il que ses valeurs, ses principes, sa philosophie soient là, respectés, mis en pratique, approfondis, enseignés.

Or, on parle de démocratie chaque fois qu’il s’agit d’élection. Un parti qui comporte en son sein des hommes qui croient que la femme est inférieure à l’homme, certains ne cachant pas leur polygamie, d’autres font des prêches inquiétants, est loin de la démocratie. Le discours du PJD, analysé objectivement, sans parti pris, contredit les fondements essentiels de la démocratie. C’est un discours populiste, qui ne dérange pas les préjugés des gens et qui contribue à diviser les Marocains.

La démocratie n’est possible qu’avec l’émergence de l’individu. Or, l’individu n’est pas reconnu dans notre société.

La démocratie c’est l’égalité des droits dans tous les domaines y compris celui de l’héritage entre l’homme et la femme.

La démocratie c’est le respect absolu d’un principe au mépris du préjugé.

La démocratie c’est l’éducation rigoureuse et objective de tous.

La démocratie c’est la santé gratuite et de bonne qualité. C’est aussi la lutte quotidienne et de grande ampleur contre l’analphabétisme. C’est la liberté de conscience et d’expression, car l’individu est majeur et respectable.

C’est la justice où l’ombre de la corruption ne frôlera personne.

La démocratie commence à la maison, à la manière de respecter les siens et les voisins. C’est l’intelligence au service de l’humain.

Le Maroc est en voie de démocratisation. Le chemin est long. Certains font des efforts pour que le pays sorte d’un sous-développement culturel et mental. L’autre économique se porte plutôt bien, mais que vaut-il s’il n’est accompagné d’éducation, de maturité, de sagesse et d’imagination?

La religion est un fait. L’islam est une religion qu’il faut respecter, qu’il faut mettre au-dessus des ambitions politiques. Il faut l’honorer et la dégager des intérêts temporels.

Alors, à la limite on est en droit de se poser une question que j’ai souvent entendue: «A quoi sert un Parlement? A faire des affaires? A s’arranger entre copains?»

Souhaitons aux 395 députés de faire en sorte que les citoyens ne se posent plus cette question. Qu’ils prennent au sérieux leur mandat et qu’ils se mettent au travail. A eux de nous prouver que nous avons tort de douter de leur bonne foi, de leur sérieux et de leurs promesses.

La démocratie est un long chemin, un travail en profondeur, une exigence sans limites, un système qu’il faut ériger en principe où il n’y a rien à négocier. Je sais, nous en sommes encore loin.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 10/10/2016 à 11h08