De l’excellence

Famille Ben Jelloun

ChroniqueCe lycée d’exception réunit les meilleurs élèves de tous les lycées du Maroc. Cette année, 1264 garçons et filles sont arrivés de toutes les villes, villages et douars des douze régions du pays. Ils sont accueillis dans des locaux impeccables, logés, nourris. Une bourse pour certains élèves, dont les parents ont un revenu inférieur à 5000 DH.

Le 29/11/2021 à 11h00

De temps en temps, il faut relever ce qui fonctionne bien dans notre pays. Normalement, on écrit pour critiquer, dénoncer, réclamer etc. Cette semaine, j’ai envie de partager mon enthousiasme après avoir visité un lycée d’Excellence ouvert en 2015 à Benguerir, ville riche en phosphates.

Dix-huit hectares dont sept en espaces verts. C’est déjà un bon point. Une architecture simple, élégante et efficace.

Ce lycée d’exception réunit les meilleurs élèves de tous les lycées du Maroc. Cette année, 1264 garçons et filles sont arrivés de toutes les villes, villages et douars des douze régions du pays. Ils sont accueillis dans des locaux impeccables, logés, nourris. Une bourse est donnée à la plupart des élèves, en tout cas à tous ceux dont les parents ont un revenu inférieur à 5000 DH.

Les critères de sélection sont simples: la meilleure note; la région; l’état socio-économique. Ce qui garantit une diversité sur tous les plans.

L’année dernière il y avait une parité garçons/filles. Cette année, 60% sont des garçons.

Sur 10.000 candidats, il y a 300 places. Le proviseur me dit: «une discrimination positive pour les élèves des milieux démunis, existe; on a constaté une grande déperdition scolaire à la fin du primaire et à la fin du collège; surtout les filles des campagnes que les parents cherchent à marier, alors on privilégie des élèves de ces régions».

Le programme est celui de l’Éducation nationale. Le succès au baccalauréat est de 100% avec un grand nombre de mentions. 46% parmi ces bacheliers optent pour les classes prépas, afin d’intégrer de grandes écoles prestigieuses au Maroc ou à l’étranger.

Les enseignants sont recrutés en majorité au sein de l’Éducation nationale. Leur salaire se base sur celui du ministère, augmenté d’une indemnité non négligeable.

Les laboratoires sont équipés des outils les plus modernes. Le matériel pédagogique est de qualité. L’encadrement est vigilant. La prise en charge médico-sociale est assurée pour tous.

Médiathèque, bibliothèque, salle de cinéma et de théâtre, espace de jeu, piscine olympique etc. Tout a été pensé et installé pour que l’élève n’aie aucun souci d’ordre matériel ou psychologique. Un bémol cependant, la bibliothèque est assez pauvre. Le rayon littérature est très faible. Ce n’est pas parce que la plupart des élèves optent pour des projets scientifiques, qu’il ne faut pas les amener à lire de la bonne littérature. 

Oui, cet établissement, dont la conception, la construction, la mise en œuvre ont été confiées à des entreprises marocaines, est un exemple que tous les établissements scolaires du Maroc devraient suivre. Car ce n’est pas une question de moyens, mais une question de volonté et de rigueur dans le travail.

La mission de conception, d’accompagnement et de formation a été confiée à la société marocaine Kairos Conseil. Cette société s’est, entre autres, occupée du projet pédagogique et du recrutement des équipes.

On rêve, je rêve de voir cet exemple se multiplier et concerner les centaines de milliers d’élèves. L’excellence est évidemment un idéal. J’ai appris que la ville de Laâyoune est en train d’installer chez elle un lycée à partir des mêmes principes et critères.

Pourquoi ne pas généraliser ce système à toutes les régions? On ne peut pas avoir que des élèves brillants, mais on pourrait leur assurer les conditions matérielles et morales pour réussir leurs études.

Ce que j’apprécie le plus dans cette notion d’excellence, c’est que ce système a sauvé des élèves issus de milieux très pauvres et dont certains ont défilé parmi les sortants de l’École Polytechnique de Paris sur les Champs-Elysées en juillet dernier.

Rappelons ce roman de Gilbert Cesbron, C’est Mozart qu’on assassine, quand on voit des enfants qui sont empêchés par les conditions de vie de réaliser leur potentiel et se trouvent condamnés à errer dans les rues, sans espoir. Ce que l’OCP a entrepris, va dans le sens d’un remède assez efficace et qui devrait en toute logique se généraliser. 

Par Tahar Ben Jelloun
Le 29/11/2021 à 11h00