Héritage: voici la solution

Fouad Laroui. 

Fouad Laroui.  . DR

ChroniqueDans la pratique, le Parlement doit adopter une loi qui disposerait ceci: «Dès qu’un citoyen décède, tous ses biens, meubles ou immeubles, reviennent au Trésor public.» L’État clamerait froidement, cent fois par jour: «Untel est mort? Dieu ait son âme et moi son argent.»

Le 13/04/2016 à 12h13

[Avertissement de la direction : ce billet contient quelques traces d’ironie. Il est déconseillé aux allergiques de le lire.]

Ah, l’héritage… La situation semble inextricable. D’un côté, il y a ceux qui veulent s’en tenir à la lettre du Coran [sourate 4, verset 11: «Au fils, une part équivalente à celle de deux filles.»] De l’autre, il y a ceux qui estiment que ces dispositions ne sont plus de ce temps, que les hommes et les femmes ont aujourd’hui les mêmes droits et les mêmes devoirs, que les uns et les autres travaillent et qu’il n’y a donc aucune raison pour que la fille hérite de la moitié de ce dont hérite son frère.

La parole éternelle de Dieu contre les slogans des militants modernistes: il semble a priori impossible de concilier ces deux points de vue.

Impossible? Que non pas! C’est aux matheux qu’il faut demander de forcer l’aporie, pas aux théologiens. Si mes souvenirs sont bons, les plus intelligents d’entre nous, au lycée, étaient orientés vers math sup, les cancres allaient faire des études de théologie. Comment attendre de ces derniers qu’ils résolvent un problème aussi redoutable que la réforme de l’héritage en terre d’islam alors qu’ils sèchent sur x+ 2 = 0 ?

La solution, que n’importe quel matheux aurait pu donner si on la lui avait demandée, la voici: il faut supprimer définitivement l’héritage.

Dans la pratique, le Parlement doit adopter une loi qui disposerait ceci: «Dès qu’un citoyen décède, tous ses biens, meubles ou immeubles, reviennent au Trésor public.» L’État clamerait froidement, cent fois par jour: «Untel est mort? Dieu ait son âme et moi son argent.»

Examinons les conséquences de cette loi qui m’apparut un jour avec toute la force de l’évidence, alors que j’étais allongé sur la plage d’El Jadida, ado myope et désœuvré, méditant la marche du monde.

Tout d’abord, après le ratissage opéré par l’État, les garçons du défunt «héritent» chacun de zéro dirham. Ses filles «héritent» également de zéro dirham. Or, ô joie!, la moitié de zéro est zéro: la lettre du Coran est donc scrupuleusement respectée. Alléluia (si j’ose dire)! Et comme chacun a hérité d’exactement la même somme (zéro), les modernistes et les laïcards n’ont plus de raison de râler.

D’un autre côté, les parents prévoyants, qui ne voudraient pas que tous leurs picaillons allassent à l’État, s’arrangeraient pour les distribuer de leur vivant à leurs enfants. Et là, c’est la pointe de cette ingénieuse combinaison, chacun ferait selon ses convictions : ceux qui voudraient refiler à Daouia la moitié de ce qu’ils donnent à Bouchaïb, eh bien, qu’ils le fassent (et qu’ils le justifient devant Daouia que j’imagine bâtie comme un char d’assaut…). Ceux qui mettraient Layla et Ali sur le même plan, personne n’y trouverait rien à dire. Dans tous les cas, ce seraient des décisions relevant de la sphère privée: on n’entre pas !

Retournez-la dans tous les sens, la conclusion sera la même: ma proposition résout définitivement le problème de l’héritage en terre d’islam. J’ai fait ma part du boulot, au Parlement de faire le sien.

Par Fouad Laroui
Le 13/04/2016 à 12h13