Obtenir, au Maroc, l’équivalence d’un diplôme étranger? Un cauchemar!

Famille Naamane

ChroniqueAujourd’hui, le Maroc a des établissements supérieurs privés et publics de grande qualité. Mais quand les parents le peuvent, ils réalisent le rêve de leurs enfants d’étudier à l’étranger. L’obtention d’une nationalité occidentale pour travailler hors du Maroc ou pour échapper aux contraintes des demandes des visas est une grande motivation.

Le 25/03/2022 à 11h00

Les parents s’endettent, se saignent à blanc, vendent des biens…Des années de sacrifices pour voir leurs enfants retourner au bled, diplômés et enfin…travailler.

Mais il reste à parcourir un long chemin, parsemé d’embuches, pour obtenir l’équivalence des diplômes par l’Etat marocain!

Certaines professions sont réglementées par la loi: pharmacien, médecin, dentiste, architecte et avocat ne peuvent exercer, même au privé, sans l’équivalence et sans l’autorisation d’exercer.

Pour les autres disciplines, tous les Marocains diplômés de l’étranger voulant intégrer la fonction publique doivent avoir une équivalence. Pour l’embauche dans le secteur privé de diplômés en ingénierie, commerce, marketing, droit… Tout dépend des employeurs. Ils peuvent demander une équivalence ou pas.

Attention! L’équivalence n’est octroyée que si le diplôme a été délivré par un établissement à l’étranger reconnu par le gouvernement marocain. Pour les diplômes de médecine, le Maroc n’accepte que le bac scientifique, alors que la France accepte tous les bacs. Un médecin ayant eu un bac éco ne peut avoir une équivalence au Maroc. Beaucoup de diplômés l’ignorent et ne peuvent exercer au Maroc.

La procédure de demande des équivalences est longue, laborieuse, coûteuse…

Les diplômés de pharmacie passent un entretien face à un comité. Les médecins doivent passer une année dans un centre hospitalier marocain.

Officiellement, la procédure d’équivalence prend 6 mois. Pour les diplômés d’architecture, ingénierie, droit et commerce, 2 à 3 mois. FAUX!

La liste des documents exigée est effrayante, insensée et décourage bien des candidats. Chaque document, y compris les thèses, doit être traduit en français ou en arabe par des traducteurs assermentés: plus de 250 DH par page!

L’obtention de l’équivalence peut durer plus de trois ans!

Hana a eu son doctorat en médecine dentaire en Russie, en 2016. Elle dépose son dossier à Rabat en février 2016. Ce n’est qu’en octobre 2018 qu’elle est affectée pour son stage à la faculté de Casablanca. Deux ans de chômage et de désespoir! Alors que la réglementation fixe le stage à 6 mois, la faculté de Casablanca exige 12 mois, contrairement à celle de Rabat. Dans l’attestation du stage, il est notifié 6 mois! Ensuite, un stage de 3 mois dans des dispensaires. Elle passe un examen et obtient son attestation de fin de stage. Elle attend 8 mois pour obtenir son équivalence! 

Hana dépose alors sa demande d’autorisation d’exercer, qui passe par l’Ordre des dentistes. Mais on lui demande l’adresse de son cabinet qu’elle n’a pas encore ou un contrat d’association avec un cabinet dentaire. Elle loue alors un local qui reste fermé. Des dépenses inutiles! Elle ne peut travailler chez un dentiste sans autorisation. Beaucoup de diplômés travaillent au noir. Hana a déposé sa demande d’équivalence en février 2016, elle n’a pu exercer qu’en 2021. Elle a perdu 5 ans! C’est le sort de centaines de diplômés dans plusieurs disciplines.

Mouna a obtenu son diplôme d’architecture à l’université de Bruxelles. Elle a déposé sa demande d’équivalence en septembre 2016. Ce n’est que 2 ans après qu’elle l’a obtenue. 

Après l’équivalence, Mouna a entamé la procédure pour l’autorisation d’exercer. «Il y a de l’exagération, des doublons. Par exemple, l’équivalence n’est accordée que si l’authentification du diplôme est confirmée par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération auprès de l’établissement qui a délivré le diplôme. Mais la demande de l’autorisation d’exercer passe par le ministère de l’Intérieur qui envoie le dossier au Secrétariat Général du Gouvernement, lequel demande au ministère des Affaires étrangères de procéder, une seconde fois, à l’authentification du diplôme!». Mouna a attendu 3 ans pour commencer à travailler!

Une autre aberration: parmi les monticules de documents exigés, il y a les preuves de séjour pendant toute la période des études. Widad: «fonctionnaire au Maroc, j’ai préparé un doctorat en France. J’ai fait des allers-retours très coûteux pour améliorer ma situation professionnelle. Mon diplôme n’a pas été reconnu au Maroc car je n’ai pas résidé à plein temps en France. C’est injuste!». Oui, injuste. Un frein à l’ambition, surtout à l’ère d’internet et du travail à distance! 

Perte de temps, d’énergie, d’argent. Un préjudice pour les diplômés! La pandémie du Covid n’y est pour rien, car bien avant, de nombreuses demandes ne recevaient jamais de réponse ou se perdaient. Aujourd’hui, il y a une plateforme informatique établie par l'Agence nationale d'évaluation et de garantie de la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (ANEAQ) qui se charge des équivalences.

Nous espérons le guichet unique et le respect d’un délai maximum de 6 mois pour toute demande d’équivalence. Nous souhaitons la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger pour des Marocains résidant au Maroc. Selma:«j’ai obtenu un doctorat en Sociologie à la Sorbonne. Je n’ai pas résidé à Paris car j’ai fait mes enquêtes au Maroc. Mais j’ai assisté à tous les séminaires. Mon diplôme n’est pas reconnu!»

Le contrôle de la fiabilité des diplômes est normal. Mais à l’ère de la digitalisation, il y a des moyens plus modernes que le système bureaucratique ancestral. Il est inhumain d’imposer un chômage de plus de 3 ans à un diplômé. C’est aller contre la politique de l’Etat qui encourage l’accès des jeunes à l’emploi et à l’entreprenariat.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 25/03/2022 à 11h00