Un ramadan historique

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ChroniquePensez à ceux qui n’ont personne. Cherchez cette nourriture qui est plus essentielle que le pain: la chaleur humaine.

Le 25/04/2020 à 09h52

Je me souviendrai toujours de cette année où le défunt Hassan II avait annulé le sacrifice de l’Aïd El Kébir. C’était en 1981, une année de sècheresse. Je m’en souviens comme si c’était hier. Parce que j’avais vu des enfants pleurer, le «mouton» étant pour eux un événement très attendu, irremplaçable.

J’avais également vu des adultes pleurer. Parce qu’ils n’avaient jamais failli à la tradition du sacrifice.

Cette année-là, l’Aïd avait des airs d’enterrement. Tout le monde était triste. Parce que la fête n’a pas eu lieu.

Mais au collège, l’un de nos enseignants nous a dit: «Vous salirez moins l’environnement, et vous penserez davantage à ceux qui n’ont pas les moyens de faire le sacrifice».

La morale de cette histoire, c’est que l’annulation du cérémonial, qui est toujours durement ressentie à chaud, vous pousse à réfléchir. Vous sortez du magique lié à la tradition et vous rentrez dans la réalité. Ça n’a jamais fait de mal à personne…

Nous sommes le premier jour du ramadan et, pour beaucoup de Marocains, le confinement sera plus dur que jamais. Le couvre-feu leur interdit de passer le f’tour chez leurs familles et amis. Les mosquées aussi sont fermées, et on sait l’importance de ces lieux de culte en période de ramadan.

Mais à quelque chose malheur est bon et il faut espérer que toutes ces privations poussent les fidèles et les autres à réfléchir. Et pourquoi pas à revenir à l’essence même de ce mois pas comme les autres.

L’interdiction du cérémonial est une opportunité à saisir pour revenir au spirituel. L’occasion est belle. Le ramadan est à la base un mois de recueillement et de paix intérieure. C’est aussi une période où on réapprend à être simple, humble.

Ce ramadan sera le premier, dans l’histoire marocaine, où les mosquées seront fermées. C’est un moment historique.

Loin des attaches familiales, loin du souk, des scènes de la vie quotidienne, du speed, du stress, du «cirque», du carnaval, de cette ritualisation qui nous a tant éloignés de la philosophie du jeûne. Ça sera un mois de solitude. De compassion. D’humilité.

Loin des lieux de culte et de ces espaces de socialisation, l’occasion est belle de s’ouvrir à soi-même sans peur et sans reproche.

Pensez à ceux qui n’ont personne. Cherchez cette nourriture qui est plus essentielle que le pain : la chaleur humaine.

Bon ramadan à tous.

Par Karim Boukhari
Le 25/04/2020 à 09h52