Un ministre, ça donne l’exemple ou ça prend la porte!

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ChroniqueIl y a un proverbe arabe qui dit quelque chose comme «son protecteur est aussi son voleur». La fraude n’est seulement le fait d’être vils et crapuleux. Elle est pratiquée aussi… par ceux qui luttent contre la fraude.

Le 27/06/2020 à 10h40

Cela fait des années que la CNSS est menacée de faillite. Pour la sauver, il ne suffit pas d’injecter des fonds récoltés à droite et à gauche. Il faut créer des lois et il faut surtout les appliquer.

C'est-à-dire? Il faut sévir le plus durement contre les employeurs qui ne déclarent pas leurs salariés… ou qui détournent leurs cotisations. Parce qu’il y a deux genres de fraudeurs.

Il y a ceux qui ne déclarent pas parce qu’ils préfèrent embaucher au noir: cela leur permet de pratiquer des salaires inférieurs au marché et surtout de licencier sans verser aucune indemnisation, ni risquer aucun procès.

Et il y a ceux, plus vilains encore, qui déclarent, ponctionnent le montant de la cotisation et le versent à leur propre compte: ils détournent l’argent de leurs salariés et participent à la ruine de la CNSS!

Ces deux catégories d’employeurs sont légion. Ils sont nombreux et ils sont riches. Ils volent leurs salariés et ils paient moins d’impôts. Ils prospèrent.

Surtout ils se croient protégés, ils se sentent puissants, au-dessus des lois. Ils ne croient pas aux droits des travailleurs, à la justice sociale. Ils ne croient qu’à l’argent, au gain facile. Rien ne leur fait peur.

Même les lois marocaines, qui restent très timides, sont très peu appliquées. Alors ils ne respectent pas ces lois parce qu’ils savent que s’ils sont pris la main dans le sac, ils ne risquent pas grand-chose.

Ces gens ne reculent devant rien. La seule manière de les arrêter: c’est la faillite économique ou la prison. Rien d’autre.

Nous connaissons tous des entreprises et des gens comme ça. Nous en connaissons tellement que plus rien ne nous choque. Je connais par exemple un assureur célèbre et prospère dont les employés n’étaient pas assurés. Et un patron au-dessus de tout soupçon qui ne déclarait pas ses salariés mais versait des salaires à des «fantômes»: son fils étudiant en Europe et à sa maîtresse!

Il y a un proverbe arabe qui dit quelque chose comme «son protecteur est aussi son voleur». La fraude n’est seulement le fait d’être vils et crapuleux. Elle est pratiquée aussi par des personnes à la réputation soi-disant irréprochable.

Mais le plus extraordinaire, comme dit le dicton, c’est quand la fraude est pratiquée… par ceux qui luttent contre la fraude. C’est un peu ce qui vient de se passer avec notre ministre d’Etat chargé des droits de l’homme, anciennement ministre de la Justice, qui n’a jamais déclaré à la CNSS son employée de bureau après 20 ans de bons et loyaux services. Et c’est le cas aussi de notre ministre du Travail qui ne déclarait pas les employés de son cabinet d’avocat.

Nous avons donc deux super ministres, deux super protecteurs des salariés et des justiciables, qui ne déclarent pas leurs propres salariés. Et qui ne sont ni renvoyés ni «démissionnés».

Peut-être qu’au fond d’eux-mêmes, et dans leur entourage, on murmure: «Mais pourquoi eux? Pourquoi ne s’en prend-on pas aux autres fraudeurs?». On parle de «complot», de machination. On nous dit que ces ministres se montrent «généreux et humains» envers leurs salariés, et qu’ils ont simplement «oublié» de les déclarer à la CNSS.

On va jusqu’à avancer que certains employés refusaient d’être déclarés… Cela s’appelle justifier l’injustifiable. Parce que la loi est claire et les faits sont clairement établis, inutile de rentrer dans les détails.

Allons tout de suite à l’essentiel: il faut en finir avec ce genre de pratiques qui tirent tout le pays vers le bas. Nos deux super ministres donnent le mauvais exemple, ce qui est inacceptable.

Un ministre, faut-il le rappeler, ça donne le bon exemple. Sinon, ça prend la (petite) porte! Rien à ajouter.

Par Karim Boukhari
Le 27/06/2020 à 10h40