Si j’étais Saâd Eddine El Othmani…

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ChroniqueAu moment où le Maroc s’apprête à lancer une vaste campagne de vaccination, il est important de garder un œil ouvert sur ces fondamentaux. Ils sont deux: généraliser la prise en charge et maintenir/rétablir le lien social.

Le 06/12/2020 à 09h01

La maladie n’est qu’une forme de solitude. Au-delà de la douleur et de la souffrance, au-delà de la peur de mourir, il y a un facteur psychique qui est aussi dur que la maladie elle-même: le malade s’isole, se coupe des autres et plonge dans la solitude. Il se retrouve avec un problème de plus.

Avec le Covid, le problème est décuplé. Il prend des ailes. En plus de menacer le pronostic vital, le Covid isole la personne atteinte et la coupe de tout lien social. Personne ne peut l’approcher, la toucher, lui parler. Le malade est renvoyé à une solitude extraordinaire. En plus d’être malade, il est pestiféré. La peur de la condamnation fait que plus personne ne lui parle. Il est dans une bulle. Coupé du monde, il peut développer sa paranoïa. Ou plonger dans la dépression…

La dépression est une douleur à part entière, elle est extraordinaire. C’est une petite mort.

A côté de la Chloroquine et des complexes vitaminés, le traitement du Coronavirus doit inclure une psychothérapie pour les malades, voire aussi pour leur entourage immédiat. C’est plus utile que cette horreur des corticoïdes, qui créent un confort artificiel dont il est difficile de sortir indemne (à quand d’ailleurs l’interdiction des corticoïdes?).

La psychothérapie commence par le sourire, et par l’écoute, une forme de bienveillance. Beaucoup de malades perdus dans les cliniques et les hôpitaux, ou emmurés dans le silence et la solitude chez eux, en manquent tant. Ils ont l’impression que le ciel leur tombe sur la tête, sont totalement déconnectés, certains culpabilisent.

Imaginez qu’un homme ou une femme comme les autres, et du jour au lendemain, se retrouve malade confiné, isolé, avec la peur de mourir et la «honte» de devenir un danger pour ses enfants, ses proches, ses amis. Imaginez sa détresse.

Sans ce lien social indispensable à notre vie quotidienne, le risque est grand de perdre ces personnes. Il faut les sortir de leur isolement de facto, adoucir leur solitude et les accompagner pour éviter un désastre psychologique.

Une personne âgée, par exemple, peut facilement basculer dans le déni, qui est une forme de paranoïa, puis la démence…

Je viens de lire que la CNSS a décidé de prendre en charge les malades du Covid. Il était temps. C’est le genre de bonne nouvelle qu’on attendait depuis des mois. Imaginez le soulagement des affiliés, des malades et de leurs entourages.

Cette bonne action n’est pas suffisante. Il faut généraliser la prise en charge des malades, le gouvernement devrait en faire une urgence et un objectif absolu. Imaginez que pour pratiquer le test PCR dans une petite famille de cinq ou six personnes, il faut payer l’équivalent de deux mois de SMIG. Et non remboursables s’il vous plaît!

Certains, faute de moyens (et pas seulement faute d’une place à l’hôpital), choisissent ou plutôt se résignent à rentrer attendre la mort chez eux, dans le silence et l’isolement le plus total.

Au moment où le Maroc s’apprête à lancer une vaste campagne de vaccination, il est important de garder un oeil ouvert sur ces fondamentaux. Ils sont deux: généraliser la prise en charge et maintenir/rétablir le lien social.

Si j’étais Saâd Eddine El Othmani, j’en ferais mon cheval de bataille!

Par Karim Boukhari
Le 06/12/2020 à 09h01