Non à la peine de mort!

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ChroniqueLe plus dur, dirions-nous, est de réaliser que l’humain sommeille aussi au fond du monstre de Tanger…et qu’un petit monstre repose au fond de chacun.

Le 19/09/2020 à 08h54

Le meurtre, après viol, du jeune Adnane à Tanger a débouché sur un nouveau débat, le énième, sur la peine de mort. Le mot «débat» est peut-être déplacé. A côté d’une ou deux voix opposées à l’exécution du coupable, des centaines, des milliers de voix, réclament vengeance.

Tuons le coupable, décapitons-le, lynchons-le, castrons-le, torturons-le et lapidons-le sur la place publique…

Il n’y a pas débat puisque tout le monde à peu près pense la même chose. La moindre voix dissonante est violemment prise à partie. Quelqu’un comme Ahmed Aassid, abolitionniste de la première heure, est traité de chien, de monstre, et il s’est même trouvé…un militant de l’ancien parti communiste pour appeler à son exécution.

Exécutons celui qui s’oppose à l’exécution!

Nous avons des voix qui disent: «Après tout, tuer le monstre de Tanger serait trop doux puisqu’il n’aura pas le temps de souffrir, alors ne le tuons pas, faisons-le souffrir atrocement et longuement». Comme le célèbre Bou Hmara, vrai-faux sultan surgi à l’orée du XXe siècle, traîné de place en place dans une petite cage avant d’être tué, découpé, et de voir ses restes brûlés?

Nous avons aussi ces voix, qui effacent cinq ou six siècles d’évolution de la pensée humaine, et qui dénient au meurtrier son humanité: non, disent-ils, «il (le meurtrier de Tanger) n’est pas humain, il n’est pas comme nous». Donc massacrons-le et profanons son corps pour essayer de calmer notre colère et notre soif de sang?

Et puis, disent-ils, pour ne pas être d’accord, il faut être soi-même un monstre. Ou ne pas avoir d’enfant. Ceux qui n’ont pas d’enfant ne peuvent pas comprendre. Ils doivent s’abstenir. Seuls les pères et les mères peuvent «juger» le monstre de Tanger.

Juger, ça veut dire tuer…

Ce déferlement de… (de quoi au juste? De colère ou de haine? De douleur ou de barbarie?) montre à quel point la culture humaniste a du mal à s’implanter dans notre cerveau. Elle est trop récente, sa greffe reste artificielle. Même des esprits qui se veulent libres, des gens de gauche, des soi-disant militants des droits humains et des laïques appellent au meurtre.

Il faut tuer celui qui a tué. Point barre. Pour venger la victime et pour dissuader les candidats au meurtre de passer à l’acte. Comment est-il possible de penser autrement?

Et pourtant oui, il est possible de penser et faire autrement. Le mouvement abolitionniste a des siècles de lutte derrière lui. Ses victoires ont mis un temps fou avant de se dessiner. Parce que le plus dur est d’arriver à vaincre ses instincts de vengeance. Le plus dur, dirions-nous, est de réaliser que l’humain sommeille aussi au fond du monstre de Tanger…et qu’un petit monstre repose au fond de chacun.

Ce billet abolitionniste déplaira au plus grand nombre. Ce n’est pas vraiment à eux qu’il s’adresse mais aux autres, à cette minorité qui bataille pour vaincre ses instincts de vengeance.

Par Karim Boukhari
Le 19/09/2020 à 08h54