Mouqata3a, mon amour!

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ChroniqueIl y a des visages que l’on ne peut croiser que dans une mouqata3a. Il y a aussi une gamme de sentiments et d’émotions que l’on ne peut éprouver que dans une mouqata3a.

Le 04/07/2020 à 10h57

Enfant, je rêvais de grandir vite. Je fermais les yeux et je convoquais Dieu, les prophètes et mes héros de BD. Vite, vite, faites que ça passe, que ça passe!

Je croyais qu’en grandissant, ma peur, mes peurs, ne seraient plus qu’un lointain souvenir. Ça a presque marché. Je me suis trompé. J’ai vaincu certaines peurs. Pour être plus juste, je les ai intégrées, normalisées et finalement adoptées comme des enfants abandonnés.

Mais je n’ai rien pu faire contre d’autres peurs. Dont celle qui me prend chaque fois que je mets les pieds dans une mouqata3a.

Rien n’y fait. Walou. Nada. C’est toujours la même peur, le même malaise, la même chute de tension.

Il y a des visages que l’on ne peut croiser que dans une mouqata3a. Il y a aussi une gamme de sentiments et d’émotions que l’on ne peut éprouver que dans une mouqata3a.

Et il y a des attitudes surtout, des codes, des façons de faire, des réflexes, un rituel, que l’on ne retrouve que dans une mouqata3a.

Je parle pour moi bien sûr. 

C’est comme un tour de magie, c’est le même principe: une espèce d’envoutement s’empare de votre corps et ne le lâche plus. Si j’étais peintre, je dessinerais un corps ficelé et saucissonné de haut en bas, pour essayer de décrire mon sentiment.

Je n’ai pas vraiment l’intention d’écrire un poème mais de raconter une histoire, avec un début et une fin, peut-être aussi une trame, et même une morale à la fin, histoire de tout digérer.

Donc vous marchez, marchez. A un moment vous devez lever les yeux pour apercevoir un petit drapeau rouge et sale flottant dans l’air. Vous y êtes. Bienvenue à la mouqata3a.

Si un chaouch vient vers vous en fronçant les sourcils, glissez-lui quelque chose dans la main pour lui faire retrouver le sourire. Ce n’est bien sûr pas de la corruption. C’est pour le café. Dites-lui que c’est pour le café, c’est le code.

Si personne ne vient à vous, armez-vous de courage et plongez, improvisez. Posez vos questions au premier venu, il vous dira d’attendre comme tout le monde. Reculez, avancez, jouez des coudes, marchez sur des pieds s’il le faut. Ici il n’y a pas de queue mais des boules, comme des ruches, rassemblées ici ou là.

Les gens ne s’alignent pas mais s’agglutinent. Personne ne veut attendre, tout le monde veut prendre la place de l‘autre.

Quand votre tour arrive… Je corrige: quand vous arrachez votre tour, glissez vos papiers à la personne derrière le guichet avant qu’elle ne lève le camp ou qu’un autre citoyen se glisse à votre place.

Vous avez tout, les timbres, les documents, les copies et tout? Désolé, il vous manquera toujours quelque chose. Quoi, par exemple: un timbre de plus, une signature quelconque, un cachet oublié? Non, cherchez bien, réfléchissez, essayez de deviner ce qui manque à votre dossier… 

Tant mieux pour vous si vous avez trouvé la pièce manquante. Tant mieux si vous avez compris ce qui manque à votre dossier pour devenir complet. Oui, oui, ce petit billet capable de donner le sourire même à un mort…

Sinon, si vous n’avez pas trouvé, pas compris, revenez un autre jour quand votre dossier sera vraiment complet!

Par Karim Boukhari
Le 04/07/2020 à 10h57