Les militants pro-Covid-19

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ChroniqueL’argument selon lequel présenter son pass est une atteinte à la dignité humaine ou une violation des données personnelles est quand même tiré par les cheveux. Très.

Le 06/11/2021 à 09h03

Dans la très grande masse de personnes qui ont manifesté, d’une manière ou d’une autre, leur refus du fameux pass vaccinal, il y a des gens qui en font sincèrement une question de dignité. Sincèrement et étonnamment.

Il y a tout de même une certaine dose de mauvaise foi dans ce «militantisme». A moins d’être antivax, l’argument selon lequel présenter son pass est une atteinte à la dignité humaine ou une violation des données personnelles est quand même tiré par les cheveux. Très.

On présente bien sa fameuse CIN au premier contrôle de routine, on présente aussi sa carte professionnelle à l’entrée de certains bâtiments sans rechigner. Pourquoi pas son pass, si on est vacciné?

C’est moins humiliant que d’enlever ses chaussures et de vider ses poches, ou de répondre à des questions personnelles et hors de propos, au passage des frontières; non?

Il faut arrêter de tourner autour du pot. Le pass devient un problème pour les gens qui refusent le vaccin. Ces gens disent: de quel droit me l’imposez-vous? Bonne question. On va laisser au gouvernement et au brillant ministre de la Santé, réputé dégainer plus vite que son ombre, le soin de répondre et de devoir argumenter, encore et encore. Personnellement, j’ai une question à ceux qui posent la question: que refusez-vous au juste, le vaccin ou le pass? Parce que, honnêtement, j’ai du mal à suivre.

D’accord, le gouvernement aurait pu accorder un «délai de grâce» avant d’imposer le pass. Il a manqué de tact et n'a pas soigné la manière. Mais n’exagérons rien, non plus. Et n’oublions pas que le problème, c’est la maladie et pas le vaccin/remède!

Derrière l’étendard de la dignité, les militants forment une foule complètement bigarrée. Nous avons affaire à des gauchos, des fachos, des intellos, des islamistes. Nous avons aussi les autres, pour désigner ceux qui ne répondent d’aucune idéologie/arrière-pensée particulière.

Ça ratisse large. Le front du refus, qui rassemble des gens qui ne sont jamais d’accord entre eux, inclut aussi des gens qui sont anti-tout. Opposés à tout et à rien aussi. Ils associent l’obligation du pass (ou du vaccin, on ne sait plus) à l’hégémonie de l’Etat et à la répression du makhzen liberticide, aux lobbies des riches, des laboratoires, du capitalisme et du sionisme.

On parle d’humiliation, de hogra, de discrimination, de violation des droits de l’homme. En passant devant une manif’, et avant d’en connaître l’objet, j’ai cru, honnêtement, avoir affaire aux familles de détenus politiques qui allaient mourir de faim ou de mauvais traitements.

On dit que le pass ou le vaccin veulent tuer oulad chaab (les fils du peuple). Une parlementaire de gauche, totalement allumée, réactive même l’expression «smaa sawt chaab» (écoutez la voix du peuple) pour qualifier la colère publique… 

C’est proprement extraordinaire. Il y a beaucoup de confusion, d’exagération, certainement aussi de détournement et de manipulation. Le pass, ce fameux pass vaccinal, devient le souffre-douleur absolu, il cristallise tous les dysfonctionnements de ce pays, il paie pour toutes nos peurs, nos frustrations, nos problèmes existentiels.

On parle de faire tomber le pass, comme s’il s’agissait d’une arme de destruction massive!

Le détournement a pris des proportions qui rappellent un peu celles de la marche contre le plan d’intégration de la femme, en 2000, quand les islamistes avaient «chauffé le peuple» en le persuadant que l’égalité femme – homme était un complot américano-sioniste visant à détruire l’identité et la société marocaines, que ses promoteurs étaient le diable en personne…

A ceux parmi mes amis qui ont rejoint les rangs des «militants», je dis: navré, je ne vous suis pas.

Par Karim Boukhari
Le 06/11/2021 à 09h03