Le prix à payer pour vous protéger!

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ChroniqueOn vous confisque vos droits et libertés (via une liste d’interdits), on s’immisce dans votre sphère privée (surveillance par drones) et on vous invite à accepter ce qui est en somme inacceptable. C’est le prix à payer pour vous protéger!

Le 18/04/2020 à 08h46

Le confinement est une contrainte mais il va falloir l’accepter, pour reprendre le chercheur Hassan Rachik. Au-delà de la petite vie personnelle de chacun, dont les codes et les habitudes volent en éclats, il y a des choses plus «sérieuses», plus graves, avec lesquelles nous sommes appelés à composer.

Qu’il soit médical, comme c’est le cas avec le Covid-19, ou autre, un état d’urgence est un état d’urgence. Sa philosophie est toujours la même. Il s’agit de se plier à une contrainte générale, à céder sur certains de ses droits fondamentaux, à abandonner certaines libertés (comme celle de circuler).

Bref, il s’agit d’accepter ce qui est, en temps normal, inacceptable!

Il est par exemple très compliqué d’accepter de rompre le lien social et familial. Les proches, la famille, les amis, il faut dire au revoir à toutes ces personnes que l’on croyait indispensables à notre quotidien… Pas simple.

Il n’est pas simple, non plus, d’accepter un total dérèglement biologique, physiologique, comportemental, et même hormonal. D’un coup, il n’y a plus d’heure pour travailler, dormir, manger, et même faire l’amour. On peut faire tout cela à n’importe quel moment, voire n’importe comment ou presque, dans des créneaux et des dispositions inhabituelles. Toutes ces tâches auparavant réglées comme une machine, en étant chacune exactement à sa place, indépendantes les unes des autres, deviennent mouvantes, interchangeables.

Du coup, les heures se suivent et se ressemblent. Les jours aussi. Les semaines ne sont plus faites de jours distincts, on n’attend plus les weekends. On ne se projette même plus sur les vacances (y’en aura-t-il d’ailleurs?).

Plus qu’une routine, le confinement est un exil. Et un exil forcé, qui plus est. Comme si chacun était obligé de vivre dans un autre pays, ou sur une île déserte, dans la solitude, sans connaitre forcément les codes de ce nouveau pays. On découvre, on se découvre (dans tous les sens du terme), on explore.

Même les classes moyennes, la petite bourgeoisie citadine, abandonnent le petit personnel et les petits bras qui les aident dans les tâches quotidiennes, qui leur facilitent la vie de tous les jours, qui se substituent à eux pour les tâches les plus ingrates. Ils sortent de leur zone de confort. Ils reviennent en arrière et réapprennent tout, à commencer par compter sur soi-même, à utiliser ses mains, à faire attention à tout.

Toutes ces perturbations donnent le sentiment que notre vie nous échappe désormais, qu’elle est prise en otage. Et nous n’y pouvons rien, il faut l’accepter. Alors l’égo prend un coup. Et ça aussi, il faut l’accepter.

Quand est-ce que nous allons nous réapproprier de nos vies ? C’est la question que tout le monde se pose. Une autre question se bouscule derrière, plus maligne : quand est-ce que nous allons recouvrer nos droits, nos libertés ?

Parce que l’état d’urgence, pour aller à l’essentiel, c’est d’abord ça: on vous confisque vos droits et libertés (via une liste d’interdits), on s’immisce dans votre sphère privée (surveillance par drones) et on vous invite à accepter ce qui est en somme inacceptable. C’est le prix à payer pour vous protéger!

Par Karim Boukhari
Le 18/04/2020 à 08h46