Daech n’est pas en Syrie mais à l’intérieur de nos crânes

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ChroniqueL’apologie du terrorisme ne commence pas sur Internet mais dans nos têtes, à l’intérieur d’une puce qui nous fait dire, dans un réflexe pitoyable: «Mais qu’est-ce que les victimes sont allées chercher dans une boîte de nuit, le soir du nouvel an?».

Le 07/01/2017 à 21h31

Nous avons vu comment et, surtout, combien de Marocains ont osé s’en prendre aux victimes de l’attentat d’Istanbul, perpétré à l’intérieur d’une boîte de nuit. Au lieu de condamner absolument et totalement la barbarie, beaucoup se sont laissés entraîner dans un faux débat, à la fois stupide et consternant: «Que sont-elles allées chercher dans une boîte de nuit, le soir du nouvel an?». Et, plus loin encore: «S’agissait-il, oui ou non, de prostituées?».

Notre problème avec le terrorisme commence là: nous le moralisons, nous l’organisons, nous lui donnons un sens, une explication, une justification. Nous sommes incapables de comprendre qu’il n’est qu’une négation de la vie et que toutes les victimes sont égales, toutes méritent notre compassion.

Nous sommes incapables de comprendre que le terrorisme mène la guerre à tous les pays, tous les Etats, toutes les religions, toutes les appartenances, tous les êtres humains. C’est une guerre contre la vie: une guerre pour la mort, rien que la mort, pour abonder dans le sens d’Olivier Roy («Le djihad et la mort»).

Le terrorisme n’est pas le problème des autres, parce que nous sommes les autres: nous sommes ces femmes et ces hommes qui aiment la vie, les plaisirs de la vie, l’amour. Nous sommes ces autres à qui le terrorisme ôte la vie.

Ce n’est pas non plus le problème d’Internet et des réseaux sociaux. Ces espaces ne sont qu’une traduction brute et brutale de ce que nous sommes, pour le meilleur et, malheureusement, pour le pire aussi. On s’y exprime comme on le faisait et on le fait encore dans nos cafés, nos rues, sans filtre et sans aucune limite. On se laisse aller parce que protégés par l’anonymat, l’impunité.

Les dérapages sur Iinternet doivent évidemment être sanctionnés. Parce que cela s’appelle l’apologie du terrorisme, du crime. Mais notre problème ne s’arrête pas aux mauvais usages des réseaux sociaux.

Notre problème, c’est cette petite puce que nous avons à l’intérieur du cerveau. Cette puce qui nous fait dire, dans des réflexes misérables: l’attentat contre Charlie Hebdo? Mais c’est parce qu’ils ont insulté l’islam. Le Bataclan? Mais c’est un repaire de dépravés et de jouisseurs. La Reina à Istanbul? Mais c’est bien fait pour elles et pour eux. Les Twin towers? Mais ils (les Américains) l’ont bien cherché. L’assassinat de l’ambassadeur russe? Mais parce que la Russie massacre les populations en Syrie. Les attentats de Londres, Madrid, Berlin, Nice, etc.? Mais pour qu’ils ouvrent les yeux sur le drame palestinien, syrien, irakien, etc.

Cette puce que l’on a dans le crâne, c’est ce que l’on a en commun avec Daech. C’est un cancer et on sait que les cancers ne viennent pas de nulle part. Ils naissent dans les cellules du corps et les détournent pour fabriquer un monstre, une excroissance, que le corps, notre corps, n’arrive plus à reconnaître.

Par Karim Boukhari
Le 07/01/2017 à 21h31