A bas le 490!

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ChroniquePlutôt que de compter sur les yeux du législateur qui se ferment (mais peuvent se rouvrir à tout moment), il est temps de prendre le taureau par les cornes et de dire stop. Il y en a assez. L’article 490 est un archaïsme. Il faut l’abroger.

Le 06/02/2021 à 09h01

En une année à peine (2019), plus de quinze mille personnes ont été poursuivies pour «relations sexuelles hors mariage». Quinze mille, ça fait beaucoup. Mais il faut multiplier par dix, ou peut-être par cent, pour obtenir le nombre de Marocains qui ont «fraudé» sans être poursuivis.

Ceux qui ont été pris ont écopé jusqu’à un an de prison. Les autres, qui ont pu faire leur affaire en toute discrétion, ont su se cacher, et surtout personne ne les a dénoncés. Tant mieux pour eux. Ils ont de la chance mais, un jour ou l’autre, ils pourront finir devant un tribunal, et peut-être en prison, parce que la chance tourne.

L’article 490 plane au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès. Grands et petits, riches et pauvres, femmes et hommes, tout le monde est à la merci de cet article idiot qui interdit l’amour entre adultes consentants.

Le législateur marocain, qui n’est pas idiot (il est hypocrite, c’est pire!), nous dit: «Faites ce que vous voulez, mais faites-vous discrets, on fermera les yeux!». D’accord. Mais la loi est là. Et, pour une raison ou une autre, celui qui est «surpris» ira en prison. Comme ça. Du jour au lendemain. Sans avoir fait de mal à personne.

Donc, merci, plutôt que de compter sur les yeux du législateur qui se ferment (mais peuvent se rouvrir à tout moment), il est temps de prendre le taureau par les cornes et de dire stop. Il y en a assez. L’article 490 est un archaïsme. Il faut l’abroger.

Bien entendu, des voix vont clamer qu’il faut changer la société avant de toucher aux lois. Parce que les lois ne sont, après tout, que le miroir de la société. Mais ça, c’est de la théorie.

Les vœux de chasteté auxquels semble répondre l’article 490 n’existent même pas dans les rêves de la partie la plus puritaine de la société marocaine. La société, justement, évolue. Ses lignes de démarcation ont bougé. Il suffit de répondre à cette question: en quoi une relation sexuelle entre deux adultes consentants peut-elle déranger ou concerner qui que ce soit?

Dans la société marocaine d’aujourd’hui, ce qui dérange, ce n’est pas la relation entre adultes consentants mais la loi qui la sanctionne. C’est la loi qui fait désordre. Ça veut dire que c’est la loi qu’il faut changer, et sans tarder, sans se poser trop de questions.

C’est pour cela qu’il faut soutenir l’action du collectif «Hors-la-loi», qui se bat pour faire avancer le schmilblick. Abroger l’article 490 n’est pas un caprice ou un luxe mais une nécessité.

Le collectif a su ramener le débat à sa juste dimension, qui est humaine et individuelle. Loin des grandes questions qui sont autant de prisons, et qui se rapportent à la religion ou à la morale, la seule question qui vaille, et on l’a déjà posée plus haut: en quoi est-ce qu’une relation librement consentie entre deux adultes peut-elle déranger qui que ce soit? Vous connaissez la réponse: en rien du tout!

Par Karim Boukhari
Le 06/02/2021 à 09h01