De la haine

Tarik Qattab.

Tarik Qattab. . Mehdy Mariouch

ChroniqueNon seulement ces gens-là se trompent de méthode, mais aussi carrément de combat. Ce n’est vraiment pas en se lâchant contre tout ce qui bouge, qu’Ahmed Raïssouni honore la religion qu’il dit représenter.

Le 22/11/2019 à 12h09

Que l’on soit bien clair. Il ne s’agit nullement ici de défendre une quelconque partie ou quelque intérêt que ce soit. Mais il est de ces personnages au Maroc, et ailleurs, qui gagneraient vraiment à se taire de temps à autre. Les propos littéralement incendiaires d’une Zineb El Rhazoui, nouvellement embourgeoisée, appelant à tirer à «balles réelles» contre les jeunes des quartiers en France, sont encore bien vifs dans les mémoires que voici venue une sortie tout aussi stupide d’un certain Ahmed Raïssouni, solidement installé chez nous, celui-là.

Et que dit cet homme? Rien de moins que l’islam et les musulmans ont un ennemi, et que celui-ci a un nom: la France. Sans argument aucun, sans la moindre illustration probante, et encore moins un raisonnement qui permettrait de cerner les contours d’une telle accusation, ce fqih s’est lancé à corps perdu dans une véritable diatribe contre ce pays, qu’il accuse de mener une guerre ouverte et déclarée contre la religion musulmane.

Ancien patron du bras idéologique du Parti justice et développement (PJD), aujourd’hui président de l’Union internationale des oulémas musulmans, organisation informelle, très proche des Frères musulmans et par ailleurs des plus puissantes, Ahmed Raïssouni est même allé plus loin. La France serait, selon lui, le véritable laboratoire de la haine anti-musulmans en Occident. On y testerait ainsi formules et stratégies, exportées par la suite dans le reste de l’Europe.

Infondées, et pour le moins inappropriées, de telles assertions en disent long sur certains de nos «savants», ou considérés comme tels, qui font feu de tout bois et surfent sur toutes les vagues possibles et imaginables pour tenter de se refaire un nom. A l’oubli, ils préfèrent créer de véritables scandales, pour rester sous la lumière des spots des médias. Quitte à utiliser des causes a priori justes, mais qu’ils dévoient de façon totalement éhontée, à la seule fin d’occuper le terrain médiatique, et de manipuler l’opinion publique à leur aune.

Est-ce ainsi que l’on peut rapprocher les points de vue, dans un monde où le terrorisme fait encore des ravages, où les extrémismes de tous bords sont plus à la mode que jamais, où la droite radicale séduit de plus en plus d’adeptes? En portant de telles accusations, Raïssouni & co (un certain Mustapha Ramid se distingue également par ses déclarations à l’emporte-pièce) ne font que brouiller encore plus les cartes d’un début de dialogue, sain, celui-là, sur la place de l’islam et des musulmans (1,8 milliard d’individus très différents, faut-il le rappeler?) dans le monde.

Non seulement ces gens-là se trompent de méthode, mais aussi carrément de combat. Ce n’est vraiment pas en se lâchant contre tout ce qui bouge, qu’Ahmed Raïssouni, pour en revenir à lui, honore la religion qu’il dit représenter. On se souvient d’ailleurs de sa sortie contre les Marocaines qu’il a traitées de khassirate –la traduction de ce terme par celui de «perverties» reste un doux euphémisme. Ce «savant» de la foi musulmane obtient, de fait, tout le contraire de l’effet escompté. Sa réaction, maladroite et gratuitement méchante, est à même de faire le lit de bien d’autres extrémismes, tout aussi haineux, qui n’attendent que ce genre de faux pas pour justifier leur rejet total de l’islam.

Au lieu de les contrer, et sérieusement en manque d’arguments dans ses assertions, Raïssouni donne donc totalement raisons à ces «haters». En France comme ailleurs, ceux-ci ne manquent pas. Mais au lieu de leur barrer la route en donnant l’exemple de ce que pourrait être un vrai, un bon musulman, il ne fait que leur baliser le terrain d’une détestation. C’est justement cela, qui est particulièrement détestable.

Par Tarik Qattab
Le 22/11/2019 à 12h09